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l’Impératrice. Avec cela une tenue de vraie grande dame, et une intelligence extraordinaire.


Suit la description de l’hôtel de la Pompadour, où elle a accueilli les Mozart : « Ses appartemens de Versailles, un véritable paradis, sont tout contre le jardin ; et à Paris, dans la rue Saint-Honoré, elle possède un magnifique hôtel, qu’elle a fait rebâtir à neuf. Dans la chambre où était le clavecin, — tout doré, et peint et laqué avec un art merveilleux, — il y avait le portrait de la marquise, en grandeur naturelle, et, près de lui, le portrait du Roi. » Mais ce que Léopold Mozart ne nous a point dit, et que nous apprenons par le récit de sa fille Marianne, c’est que le petit Wolfgang était loin d’avoir emporté, de son entrevue avec cette « vraie grande dame, » la même impression de ravissement. Son morceau joué, l’enfant avait été hissé sur une table, afin que Mme de Pompadour pût le regarder, plus à l’aise ; et comme, obéissant aux instructions paternelles, il lui tendait la joue pour avoir un baiser, et comme elle se refusait à lui accorder cette caresse : « Qu’est-ce que c’est que cette femme-là, qui ne veut pas m’embrasser ? — s’était-il écrié (sans doute dans son patois allemand de Salzbourg). — L’Impératrice elle-même, pourtant, m’a embrassé ! » Le pauvre enfant ignorait que « cette femme-là, » pour quelques semaines encore, était un personnage presque aussi considérable que son Impératrice, qui, d’ailleurs, la respectait fort, et lui avait fait remettre naguère, par son ambassadeur, en témoignage « de ses sentimens pour elle, » un petit « souvenir » de quatre-vingt mille livres.


Cependant ces séances particulières, pour n’avoir rapporté aux Mozart que « douze louis » en tout, n’ont pas dû leur prendre beaucoup de leur temps ; et il n’est guère probable, non plus, qu’ils aient passé beaucoup de temps à admirer le jardin ni les autres curiosités de Versailles. À cette saison de l’année, sous la pluie et la bise, fontaines et bosquets ont dû leur paraître bien tristes, en comparaison de leurs claires journées de Nymphenbourg et de Schwetzingen. Mais rien ne nous empêche d’admettre, au contraire, qu’ils aient assisté, et avec grand plaisir, aux deux représentations qui ont eu lieu sur la scène du château, durant leur séjour à Versailles. Le jeudi 29 décembre, un groupe de chanteurs et danseurs de l’Opéra sont venus donner, à la Cour, un spectacle formé de la Guirlande de Rameau (avec Jelvotte et Mlle Larrivée