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UN CRITIQUE ALLEMAND
HERMANN GRIMM
(1828-1901)

Hermann Grimm, qui est mort à Berlin, le 16 juillet 1901, a été, dans ces quarante dernières années, un des premiers « essayistes » de l’Allemagne, et vraiment, — dans la patrie même de la critique savante, — malgré son absence d’allures professionnelles, un grand critique de littérature et d’art. Cette supériorité innée, cette façon de regarder de haut et de voir loin, l’ont préservé d’un défaut de sa race : le pédantisme. Il ne fut jamais spécialement un homme du métier, un Fachmann, comme on dit en Allemagne. Il se fût volontiers passé, — si c’eut été possible ! — de ce lourd bagage de documens, qu’il fouillait en conscience, mais comme avec une secrète impatience, et comme pressé d’en secouer la poussière et de jeter bas tout l’échafaudage de la critique pour contempler les chefs-d’œuvre les yeux dans les yeux. Et néanmoins, et par là peut-être, il est un grand critique. Grand par son style, parfois forcé et presque maniéré, souvent hautain, mais toujours profondément original et personnel ; par sa science, très réelle et très abondamment informée, mais qui n’était pas et ne voulait pas être celle d’un spécialiste ; grand surtout par l’élévation naturelle de ses idées, par l’allure générale de sa pensée, par sa haute tenue d’esprit et d’âme.

Fils d’un des deux frères Grimm, ceux qui furent les célèbres philologues, — gendre d’Achim von Arnim, le gentilhomme poète, Hermann Grimm pouvait être, et était fier de sa noblesse intellectuelle, et de son alliance avec une vraie noblesse de sang et d’âme. Il a porté dans son œuvre ce souci, un peu hautain