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de chez lui pour quelque audience qui ne proférât des injures furieuses à son adresse : quello animale ! « quel animal ! » faisait Vinta, le ministre du grand-duc de Toscane en mission à Paris ; « c’est un palefrenier ! » ajoutait M. de Gondi ; un monte di bestie ! renchérissait Giovannini. Quand on parlait au roi de son surintendant, Henri IV riait : « Qu’est-ce que paierait le grand-duc votre maître, répondait-il, gaussant, à l’envoyé florentin, pour avoir un pareil ministre ? » Tout de même, observait l’autre, e troppo terrihlle, per non dir altro ! En réalité Henri IV tenait à Sully parce que le surintendant était très bon administrateur, ménager des deniers publics, rude à l’égard de ceux qui malversaient. Il avait bien à supporter, comme chacun, l’humeur désagréable du personnage, et il est probable que, s’il eût vécu, il eût fini par se défaire de lui tant il lui trouvait le caractère difficile ; d’ailleurs il soupçonnait « la netteté de ses mains. » Mais provisoirement, sa confiance dans son jugement était entière. Au conseil des ministres le surintendant avait généralement le dernier mot et le roi ne faisait rien sans le consulter.

M. de Sully s’était parfois servi de l’intermédiaire de la reine pour demander au roi quelque faveur qu’il n’osait pas solliciter en face. Il avait de la sorte quémandé la place de Saint-Maixent que, d’ailleurs, Henri IV ne lui avait pas donnée. Mais toutes les fois que Marie de Médicis avait tâché de faire agir M. de Sully, c’était le surintendant qui s’était toujours dérobé. Même pour des affaires courantes le peu de souplesse du ministre, sa mauvaise volonté, ses réponses désagréables avaient fini par indigner la princesse. Elle se plaignait amèrement au roi. Doucement Henri IV cherchait à la calmer, lui conseillant de ménager le ministre, de le traiter avec prudence, de le prendre par de bonnes paroles. Elle s’irritait alors : Avait-elle donc un autre maître que le roi ? Était-elle donc obligée a de faire la cour à Rosny ? » fare la aorte a Rosny ? Peut-être y avait-il en une certaine mesure de sa faute et l’attitude du surintendant était-elle due, en partie, aux maladresses de la souveraine. L’envoyé florentin écrivait : « La reine se plaint de Rosny, mais d’abord Rosny était tout à elle, tutto suo, elle l’a refroidi et blessé, ainsi que sa femme, en ne tenant pas compte d’eux. Elle profite mal des conseils et ne sait pas se gouverner ; elle aurait pourtant grand besoin de se faire des amis ! » Humeur difficile du ministre ou imprudence de la reine, les relations des deux personnages étaient aigres.