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composition en baissant le chiffre des sommes à solder. La question était de trouver de l’argent. Henri IV finit par deviner que la reine avait engagé les joyaux de la couronne et, après la première colère inévitable, se décida à racheter. Les négociations furent épineuses. Les Ruccellaï vinrent à Paris ; Marie de Médicis envoya en Italie, Le gouvernement d’Henri IV s’était résolu, afin de trouver de quoi payer, à porter l’édit qui exemptait deux personnes, par paroisse, d’un certain nombre d’impôts, de charges et de droits moyennant une somme définitive. Malgré l’opposition des parlemens qui refusaient d’enregistrer, on parvint à une solution vers 1607. Nicolas Roger, l’orfèvre, valet de chambre de la reine, se rendit à Rome ; l’ambassadeur, M. d’Alincourt, agit. Les héritiers de Horacio Ruccellaï se dessaisirent des joyaux et le cardinal du Perron revenant de Rome en septembre 1607 rapporta le précieux dépôt.

Marie de Médicis emprunta autour d’elle. Elle connut le misérable sort des maîtres qui se font avancer de l’argent par leurs intendants. Non seulement le malheureux M. Florent d’Argouges eut à prendre à son compte personnel des dépenses que la chicaneuse chambre des comptes refusait d’approuver dans le budget de la souveraine, mais il dut prêter de ses deniers à la princesse de quoi payer ses fantaisies. Un jour où celle-ci voulait absolument acheter à l’orfèvre de la Haye un diamant de 4 500 écus ainsi qu’une douzaine de petits boutons d’or de 538 livres, — et elle n’avait pas le premier sol, — elle proposa au marchand de lui payer la somme sur les gains du roi au jeu, singulière attribution de recette ! Le roi, parait-il, avait promis. L’orfèvre, comme on pense, refusa. M. Florent d’Argouges fut invité, en termes impératifs, à avancer les 4 679 écus. Heureusement pour lui que, tenant les comptes, M. Florent d’Argouges s’arrangeait de façon à retrouver ce qui lui était dû lorsqu’arrivait quelque recette fructueuse. A sa mort, cependant, en 1615, — c’était son fils qui allait lui succéder, preuve qu’après tout la place n’était pas si mauvaise, — on lui devait encore 28 255 livres.

Nous venons de dire la bizarre proposition qu’avait faite Marie de Médicis à un marchand pour le payer. Elle usa de beaucoup de combinaisons analogues, expédiens inattendus de gens aux abois contraints à des procédés tortueux. Ainsi, afin de régler leurs mémoires aux marchands d’argent Robin et Briant, elle leur proposait le produit de ce qu’on pourrait relever d’erreurs de calcul