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dans les prix du sel des généralités d’Orléans et de Moulins ! Le piquant est que les malheureux, rassurés par des lettres patentes destinées à certifier leurs droits, acceptaient ! Dans une autre circonstance, Marie de Médicis ayant acheté à M. de Monglat de Saint-Aubin quatre diamans pour le prix élevé de 96 000 livres s’arrangeait avec lui, en ce qui concernait le paiement, de la façon suivante : M. de Monglat recevait 6 000 livres comptant et le surplus était à réclamer par lui à un certain Médéric Levasseur, « ci-devant adjudicataire et fermier de la somme de 30 sols pour muid de vin entrant en la ville et faubourg de Saint-Maixent. » Levasseur devait son fermage des années 1607 et 1608 ; on passait la créance à M. de Monglat avec charge de toucher dessus ce qui lui était dû « à ses périls et fortunes. » Ceux qui n’acceptaient pas ces procédés étranges exigeaient alors qu’on leur payât au moins les intérêts des sommes dues, et ces intérêts étaient si élevés qu’ils représentaient plutôt, disait-on, des manières d’amendes infligées par année de retard. Hélie Fruit et Mathieu Coulbes, joailliers, touchèrent ainsi plusieurs années durant 4 000 livres comme intérêts de la somme de 30 000 livres qui leur était due « pour vente de marchandises de joaillerie et par année de retard. » C’était plus de 12 p. 100.

Les difficultés, dans lesquelles se débattait la reine de France et auxquelles elle tâchait de remédier par ces moyens divers, étaient, avons-nous dit, en partie la conséquence de l’attitude de la chambre des comptes. Réorganisée par Henri IV en 1598, et, son action rendue plus forte, la chambre des comptes était pleine d’ardeur. Implacable même pour des questions de forme, elle n’exigeait pas seulement que toutes les ordonnances de dépenses dans la maison de Marie de Médicis « portassent sur quelle nature de deniers les dépenses devaient être payées, » mais encore que toutes les quittances fussent visées et contrôlées par l’intendant général des finances de la reine. Lorsque cet intendant, M. d’Attichy, fut atteint de la maladie qui l’emporta, et qu’il lui fut impossible de rien signer, M. Florent d’Argouges manqua être ruiné ! Les quittances n’étant ni visées ni contrôlées, la chambre déclara qu’elle n’accepterait rien : tout était illégal. Marie dut écrire une longue lettre de détails précis sur la maladie et la mort de M. d’Attichy. — Le lendemain de l’assassinat d’Henri IV, Marie de Médicis avait envoyé chercher 400 000 livres au trésor, afin de payer les déficits de ses budgets de 1607 et 1608. La somme