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REVUE MUSICALE


Théâtre de l’Opéra-Comique : Aphrodite, drame lyrique d’après le roman de M. Pierre Louys ; paroles de M. Louis de Gramont, musique de M. Camille Erlanger. — Concerts du Châtelet : la Symphonia domestica de M. Richard Strauss.


On peut adresser aux personnes qui vont entendre Aphrodite, le souhait que font aux visiteurs de leur île délicieuse les petits enfans de Corfoue : « Puissiez-vous jouir de vos yeux ! » Aphrodite, c’est de la musique à voir. Avec — et peut-être même avant — l’auteur du livre, celui du livret et celui de la partition, il eût été juste de nommer celui de ces décors ou de ces tableaux admirables : la jetée d’Alexandrie, le temple de Vénus et surtout le bois sacré de cyprès et de platanes où, dans la nuit bleue, au bord de l’étang, deux petites joueuses de flûte viennent ensevelir la dépouille légère de Chrysis à la chevelure d’or. L’œuvre que l’Opéra-Comique vient de jouer est, pour les paroles, de M. Louis de Gramont, d’après le roman luxurieux et pittoresque de M. Pierre Louys ; elle est de M. Camille Erlanger pour la musique ; elle est de M. Jusseaume pour la poésie et pour la beauté.

Heureux théâtre que ce théâtre, où le plaisir de voir tantôt s’ajoute au plaisir d’entendre, et tantôt — le plus souvent même — y supplée. Quel que soit l’ouvrage qu’il représente, M. Albert Carré consacre le même soin, la même intelligence, le même goût à le représenter. Et s’il se rencontre des œuvres, dont cette représentation fait le mérite plus manifeste, il s’en trouve aussi, dont elle rend plus sensible l’insignifiance, la faiblesse ou le néant. Ainsi, pour notre plaisir toujours, par des moyens pareils et des services inverses, M. le directeur de l’Opéra-Comique sert également la cause de l’art et de la vérité.

Du roman, ou du poème de M. Pierre Louys, il ne reste guère au théâtre qu’un mélodrame un peu gros et deux assez tristes personnages. Le beau sculpteur Démétrios ayant rencontré sur le môle d’Alexandrie