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doit être le centre de formation de la religion de l’avenir, c’est donc que l’humanité marche vers un avenir religieux ; et, dans ce cas, il faut hâter cette transformation, cette explication, cette régénération du christianisme… Le christianisme doit, s’il le peut, s’élever, s’expliquer, se transfigurer. » Enfantin, le Père Enfantin, à qui les revers de sa fortune avaient servi de leçon et que l’âge et la retraite avaient fait raisonnable, émettait, vers la même époque, une opinion analogue ; et il ajoutait : « Se transformer, c’est se réformer par soi-même, tandis que lorsqu’on est réformé par autrui, on est tout simplement déformé, et le réformateur risque souvent d’être difforme comme Henri VIII, ou même comme Calvin.[1] » Leroux n’eût peut-être pas écrit cela de son temps ; mais son œuvre n’y contredit pas formellement. Cette œuvre est une suite d’essais, lesquels se suivent sans toujours se ressembler. Leroux apprenait tous les jours, et se dépassait continuellement. C’est ainsi qu’ayant découvert, à un moment donné, les théories relatives à l’usure et toute la législation qui en est sortie, il cessa de dire que pour le catholicisme, « la charité visait au ciel, non à la terre. » De même, s’il se fût avisé, à un autre moment, de l’existence de Vincent de Lérins, il n’eût sans doute plus osé répéter que l’idée d’évolution ou de progrès est « la grande découverte moderne ; » et alors, la possibilité, non pas d’une refonte, mais d’une explication, comme il l’a dit lui-même, et d’un développement nouveau de la doctrine et de l’institution catholiques eût achevé peut-être de s’imposer à son esprit, et de le fixer.

J.-E. Fidao.


  1. Ceux qui désireraient des renseignemens plus complets sur le « néo-catholicisme » d’Enfantin pourraient se reporter à notre livre le Droit des humbles. Perrin, 1904, p. 143-150.