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les plus petits animaux, convenablement emballés, arrivent à occuper de place. En outre, comme voyageur, il ne visite guère que les endroits déserts et sauvages qui rebutent la majorité des gens. Les routes battues ne sont pas les siennes, s’il en profite, c’est pour gagner plus vite les solitudes, les broussailles, les marais et les friches.

Mais si je me propose de visiter Kandy en simple touriste, vous pensez bien que je ne négligerai pas la petite zoologie. Je n’ai gardé avec moi que le nécessaire, mon matériel est réduit à l’indispensable. Toute mon encombrante installation de laboratoire s’en va, par mer, vers Pondichéry. Tout, jusqu’à la moindre fiole, a été, comme vous le savez, empaqueté de nos mains. Soyons tranquilles. La brutalité classique des transbordemens de Colombo ne m’effraye point. Je suis sûr de trouver tout en bon état à Pondichéry. Une valise, une cantine contenant le petit matériel entomologique, mon ombrelle à manche brisé, ma trique fidèle jadis achetée à un Somali et avec laquelle je bats depuis huit ans les arbres de l’Ethiopie, de l’Arabie et du Sind, un filet à papillons non moins éprouvé et qui, pareil au couteau de Jeannot, a vu changer trois fois son cercle, deux fois son manche, et vingt fois sa poche, voilà qui est suffisant pour un court séjour dans l’antique Taprobane. J’attends des merveilles en cicindèles des montagnes de Ceylan !


...Colombo, 12 mai 1901

...Vous dirai-je qu’à Colombo même, les résultats de mes excursions entomologiques ont été au-dessous de mon attente, si modeste fût-elle ? Cette jolie ville qui étend tout le long d’une plage sablonneuse, bordée de quais, ses pelouses de gazon et ses maisons noyées dans des amas de verdure, est aussi bien tenue que notre avenue du Bois de Boulogne. De légères palissades enclosent des parcs, des prairies rares, où broutent paisiblement les buffles gris de fer, ancêtres de ceux qui pâturent dans la campagne romaine, les plaines du Danube et la vallée du Nil. Et, comme le Bois de Boulogne, Colombo possède aussi son lac. Découpé en étoile, il enserre des îles en miniature où des arbres d’essences variées mêlent harmonieusement leurs feuillages. C’est une nature sagement agreste, émondée et sarclée. Pas un cottage des rives qui n’ait ses ombrages de cocotiers, de manguiers, de hauts bambous