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bouchon. Ne vous étonnez donc pas de l’amour que portent les entomologistes à ces bestioles aussi fragiles après leur mort qu’elles sont insaisissables de leur vivant.

Avec d’autres espèces, j’ai été un peu plus heureux.

Mais laissons les cicindèles, tant le naturaliste peut observer de choses intéressantes, amusantes, dans les endroits même les plus rebattus, pourvu, toutefois, qu’il ait ses coudées franches et puisse travailler loin du « profane. »

Sous les feuilles sèches, recouvrant de leurs amas roussâtres le pied des arbres, vit tout un peuple de myriapodes, d’araignées, d’insectes. Je vous fais grâce des lépismes et autres thysanoures et de la légion des petits coléoptères qui se tiennent blottis dans les gerçures des écorces ou entre les feuillets des champignons.

Dans les buissons, parmi les rameaux bas des arbres, se cachent des populations de clairons à élytres chevronnées, de charançons pollineux, gris ou vert tendre, argentés ou roses, encore plus brillans que nos Polydrosus. Tout cela tombe dans le parapluie, quand on bat le feuillage, avec des longicornes élégans, des chrysomèles métalliques, des cassides plus éclatantes que les pierres précieuses de leur île. Un phasme singulier[1] que je ne connais point, m’a, un matin, récompensé de mes peines. Car, à vrai dire, ce n’est pas un métier de fainéant, que celui qui consiste à frapper de sa gaule, à tour de bras, pendant des heures, les arbrisseaux et les branches basses des gros arbres, tandis que de la main gauche on tient un parapluie tendu pour recevoir ce qui tombe.

Quant aux papillons, Kandy est, pour les amateurs, une station de premier choix. Aux premières heures du matin, c’est, autour des buissons, un vol de gemmes et d’émaux. Les ornithoptères jaunes et noirs, grands comme des hirondelles [Ornithoptera Minos] planent au-dessus des arbres. Plus bas, vole d’une allure incertaine le beau Papilio Polymnestor dont les ailes sont éclairées de cendre bleue. Puis c’est toute la cohorte des papillons couleur d’émeraude et de saphir (Papilio Crino ; Papilio Agamemnon, Papilio Sarpedon) au vol saccadé, coupé de

  1. Cet orthoptère appartient au genre Sipyloïdea et constitue une espèce nouvelle décrite en 1902 par M. Brunner sous le nom de Sipyloïdca bistriatulaïa. L’exemplaire type est déposé au muséum d’Histoire naturelle.