Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/375

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crochets. Ce sont aussi les Hebomoia et les Ixias, piérides d’un blanc de craie dont le bout des ailes semble garder la lueur du soleil levant. Des Callosime plus petites, d’un jaune de soufre, paraissent avoir trempé les leurs à moitié dans du sang. Et un grand papillon noir et blanc, tacheté de carmin, commun de la Perse jusqu’au Bengale (Papilio Hector) montre cette poitrine ensanglantée qui le fit ranger jadis par Linné parmi ses « chevaliers troyens. » Dans les endroits humides apparaissent les grandes Hesties (Hestia Idea), au vol faible et hésitant ; celles-là sont vêtues d’un tulle gris brodé de soie brune. Je n’en finirais pas d’énumérer toutes les créatures légères et gracieuses, qui s’empressent, après l’ondée, dans les chemins ensoleillés, autour des touffes de Lantana ; puis s’enfuient pour chercher pâture sur quelque fleur indigène.

Les Lantana sont, en effet, d’importation à Ceylan, comme dans l’Inde. Ils y devinrent rapidement subspontanés. Vous connaissez ces jolies verbénacées buissonnantes dont les fleurs orangées et rouges se groupent en capitules, qui tranchent si heureusement sur le vert luisant de leurs feuilles opposées et de leurs rameaux tétragones. Ces plantes proviennent de l’Amérique tropicale. Aucun insecte cinghalais ne m’a paru les rechercher, à l’exception, peut-être, d’une coccinelle (Verania discolor) dont la dispersion géographique considérable semble indiquer une grande facilité à s’accommoder de tous les régimes. Sans doute le petit coléoptère aphidi phage trouve-t-il là quelques pucerons égarés. Mais un hôte assurément beaucoup plus curieux des Lantana est une petite araignée (Sphecotypus taprobanicus), qui appartient à un groupe exclusivement néo-tropical et qui a, sans doute, été transportée en Asie avec ces végétaux. La ressemblance du Sphecotypus avec une fourmi est telle que les meilleurs chasseurs s’y sont souvent trompés. Notre savant ami Eugène Simon découvrit cette araignée, à Kandy même, il y a plusieurs années. J’ai eu la bonne fortune de l’y retrouver.

Mais ce que cet excellent observateur ne put prendre, — et je n’ai pas été plus heureux que lui, — c’est la remarquable mygale (Pœcilotheria fasciata) que les Cinghalais nous offrent toujours en vente avec leurs tableaux de papillons et de vulgaires coléoptères. Chose singulière, cette grosse araignée grise et fauve, élégamment variée de brun, a toujours échappé à l’observation. Latreille qui