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des rebelles en Vendée et à Lyon, bref, l’énergie héroïque « qui avait su résister à la fois aux attaques multiples de tant d’ennemis du dehors et à plusieurs guerres civiles à l’intérieur. » Était-il une preuve plus convaincante de la stabilité « d’une Constitution fondée sur la vigueur du peuple français et ses ressources inépuisables ? »

Une fois débarqués en Amérique, Fauchet et ses collègues se préoccupèrent peu de faire arrêter Genet qui, malgré des accusations de malversation alors si fréquentes contre ceux qu’il s’agissait de perdre, n’était guère coupable que de fautes politiques ; ils s’appliquèrent surtout à réagir contre les effets de sa fâcheuse campagne qui avait si vivement mécontenté le président, ses ministres et une grande partie de ses concitoyens. Très touché de cette conciliante démarche, Washington témoigna, d’après Fauchet, « tant d’égards et une telle préférence pour l’envoyé de la République, qu’un des commissaires espagnols s’en formalisa. »

Le gouvernement des États-Unis ayant manifesté des inquiétudes au sujet des armemens précédemment provoqués dans le Kentucky par Genet, les commissaires français saisirent cette occasion de faire connaître que la volonté de la République était de ne se prêter à aucune atteinte « contre l’harmonie qui devait régner entre deux peuples libres. » En retour de ces amicales assurances, le président s’employa pour faciliter, en faveur de Saint-Domingue, un arrangement financier d’autant plus urgent que les délégués français se trouvaient pécuniairement « . dans une situation affreuse, » les fournisseurs ne voulant plus livrer de vivres aux équipages de nos navires, le nombre des malades augmentant d’une manière effrayante, les Anglais renvoyant des îles sur le continent nos soldats valétudinaires et dépouillés.

A tous égards, la tâche des commissaires n’était pas moins pénible ; sans cesse ils se heurtaient à des difficultés suscitées par les engagemens et les opérations de Genet. Il est même assez curieux de trouver, sous la plume des envoyés du Comité de salut public, nommés, comme on l’a vu, par Robespierre, Collot d’Herbois, Saint-Just et les plus fougueux conventionnels, des réflexions telles que celles-ci : « Nous avons cru remarquer dans plusieurs de ceux qu’il voyait ou avec qui Genet était en correspondance, plus de haine personnelle contre Washington que d’amour pour la France... Qu’a produit son exagération et celle de ses agens ? Des divisions, qui plus tard pouvaient devenir fatales à l’Amérique et