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à la France, la désertion de tous les gens sans passion qui jusqu’ici avaient été les amis de la France et qui se rallient à sa cause depuis notre arrivée. Nos braves gens, nos soldats, nos officiers, nos matelots, nos francs et loyaux républicains, en entendant les fonctionnaires français publier que le gouvernement américain était aristocrate, qu’il était vendu aux Anglais, etc., etc., allaient partout renchérissant sur les propos du ministre et des consuls... La proclamation, indiquée dans nos instructions, qui défend à tout Français de violer la neutralité du territoire des États-Unis, a produit le meilleur effet, et Genet, pour justifier sa conduite, a eu l’impudence de publier une partie de ses instructions. Cette publication nous aurait fait grand mal, s’il n’avait eu la vanité de déclarer qu’il l’avait faite lui-même et si cette conduite ne lui eût attiré le mépris des âmes honnêtes qui doivent penser qu’un homme doit se laisser calomnier plutôt que de donner du ridicule et de la défaveur à son gouvernement. »

Dès leur arrivée aux États-Unis, Fauchet et ses collègues avaient, on le voit, mesuré l’étendue des fautes commises et compris l’urgente nécessité d’en atténuer les conséquences. Quelques semaines, cependant, s’étaient à peine écoulées que leur bonne volonté se heurtait, elle aussi, à des obstacles presque insurmontables : l’hostilité croissante des ennemis, de plus en plus nombreux, suscités à la Révolution par les violences de la Terreur ; l’opiniâtre et habile campagne menée par les partisans de l’Angleterre ; la conviction, chaque jour fortifiée par les événemens chez Washington et autour de lui, qu’il y avait pour les États-Unis un pressant intérêt à traiter avec la Grande-Bretagne. De ce rapprochement on pouvait attendre d’importans avantages commerciaux, tandis que l’entente avec la France, quelles que fussent les sympathies restées fidèles à celle-ci, risquait d’exposer les ports, la marine et le commerce américains à une ruine d’autant plus probable qu’ils ne pouvaient compter sur nos escadres, — désorganisées par l’émigration, affaiblies par de nombreux revers, — pour être efficacement défendus contre la flotte anglaise, de plus en plus maîtresse de l’Océan.

Pressentant l’échec de leurs négociations, Fauchet et ses collègues, pour tâcher de réagir contre ce courant qui entraînait les États-Unis vers l’Angleterre, se trouvèrent, par la force des choses, ramenés à une politique à peu près analogue à celle que Genet