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la manière dont il s’est déposé là où il se trouve, dont il s’est distribué sur certains espaces à l’exception de certains autres. Enfin comme les roches terrestres que nos yeux aperçoivent à la surface des continens, dont nous construisons nos maisons, que nous faisons servir à tant d’usages, sont en majeure partie des fonds exondés d’anciennes mers, l’analogie d’origine conduit à l’analogie des conditions ; et on pourra, en déduisant le passé de l’étude du présent, devenir capable d’enfoncer en quelque sorte les regards avec une étonnante précision à travers la nuit de milliers de milliers de siècles écoulés et en arriver à connaître les événemens qui s’accomplissaient aux anciennes époques de l’histoire de notre globe, si reculées qu’elles soient.


I

D’une façon générale, le modelé du fond de la mer est moins accidenté que celui de la surface terrestre et on se l’explique aisément. Plaines et montagnes continentales sont sans cesse attaquées par les agens de destruction terrestres. L’air agit mécaniquement en transportant et en usant par frottement les matériaux meubles tels que les sables ; il agit chimiquement par son oxygène et son acide carbonique ; l’eau des pluies, l’eau courante des fleuves et rivières, le froid et le chaud, la rosée, les rayons solaires, toutes les forces naturelles s’unissent sans trêve ni repos pour désagréger les roches les plus dures, épointer les sommets, rendre les arêtes plus tranchantes, arraser les montagnes les plus hautes en bien moins de temps qu’on ne serait tenté de le croire. Au contraire, dans le fond des océans, tout tend à combler les creux, à arrondir les contours, à empâter le relief, comme le dirait un artiste. Les poussières, les miettes des roches terrestres vont à l’océan et pas une seule d’entre elles ne manque d’y parvenir parce que, soumise à la loi de la pesanteur, elle descend toujours et ne remonte jamais. Au sein de l’atmosphère liquide des eaux océaniques, point de variations brusques de température : très faibles à la surface, elles ne tardent pas à s’annuler après quelques centaines de mètres : point d’agitation mécanique comparable aux vents de tempêtes qui balaient les continens, jamais de gel ni de dégel,