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pas expressément à notre connaissance de la vie et de l’œuvre de Fra Angelico. Mais le fait est qu’il n’y en a pas un qui n’ait, à ce point de vue, une importance considérable, tant M. Cochin a mis d’adresse, de conscience, et de remarquable talent littéraire, à se servir d’eux pour donner plus de relief et de réalité à la touchante figure de son personnage. Depuis l’enfance de Fra Angelico, parmi la douce et fervente dévotion franciscaine de sa vallée natale, depuis ses premières études de peintre, dans un atelier de Florence, et cette prédication enflammée de Dominici qui l’a décidé à prendre l’habit, comme allait faire ensuite celle de Savonarole pour le jeune Bartolommeo, chaque incident de la vie du moine nous est commenté, expliqué, reconstitué avec sa véritable signification historique, au moyen de ces « paysages » dont nous le voyons encadré. Nous comprenons désormais pleinement tout ce qu’a été, en son temps, Fra Angelico. Nous savons d’où lui sont venues sa science de théologien et sa science de peintre ; nous nous rendons compte des épreuves de toute sorte qu’il a eu à subir ; et sa « sainteté, » au milieu d’elles, nous apparaît à la fois plus naturelle et plus édifiante. A tout instant, lorsque nous nous imaginons que l’hagiographe a oublié son héros, pour nous décrire le régime du noviciat dominicain, ou pour nous raconter l’histoire des seigneurs de Cortone, pour s’abandonner à la vision de ce passé tumultueux et rapide, que personne ne connaît mieux que lui dans sa diversité, le héros rentre en scène, avec son délicieux sourire ingénu ; et aussitôt nous découvrons qu’il nous est devenu plus proche, et que ce que nous prenions pour une digression nous a fait pénétrer plus avant dans son intimité.


Incontestablement Fra Angelico, en même temps qu’un grand peintre, a été un saint. La pureté surnaturelle de son âme se manifeste à nous avec autant d’évidence, dans le beau livre de M. Cochin, que, dans celui de M. Douglas, la vigueur de son talent et la dextérité de sa main. Comme nous l’avons vu, tout à l’heure, rivaliser avec Masaccio pour l’observation de la nature, nous le voyons maintenant rivaliser, pour la pratique des vertus chrétiennes, avec le bienheureux Pietro de Citta di Castello, son compagnon de noviciat au couvent de Cortone. Il est humble, joyeux, désintéressé, tout à la crainte du mal et à l’amour de Dieu. Et tout cela, au contraire de ce que nous a appris M. Douglas, nous touche infiniment : mais nous nous étonnons de constater combien peu tout cela, à son tour, nous éclaire sur le génie véritable du moine de Fiesole, sur la nature et les causes de ce charme sans pareil qui