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originaires de Mételin, s’y étaient établis au début du XVIe siècle, en se plaçant sous la suzeraineté de la Porte-Ottomane. Depuis lors, malgré de nombreuses vicissitudes de forme, le gouvernement, sinon de la Turquie, du moins des Turcs, s’y était maintenu pendant trois siècles.

On calcule que 12 000 à 15 000 soldats turcs, aidés de 5 000 à 6 000 Coulouglis, issus de Turcs et de femmes indigènes, composaient la force gouvernementale.

Le dey et la milice dont il était le représentant et le chef ne détenaient et n’administraient surtout qu’une minime fraction de la contrée, une part du Tell et pas même tout le littoral. On trouve, dans un intéressant ouvrage qui vient de paraître, publié par un officier indigène algérien, une carte de l’Algérie sous le régime turc[1]. La domination du dey ne paraît avoir été solidement établie que dans des districts assez étendus aux environs d’Alger, d’Oran et de Constantine, ainsi que dans les principales villes côtières ; près de la moitié du littoral même lui échappait, tous les massifs montagneux et la plus grande partie des hauts plateaux. On n’estime qu’à 6 ou 700 000 âmes la population qui était soumise au dey ou aux trois beys, ses subordonnés : celui de Titeri, ayant pour centre Médéa, et ceux d’Oran et de Constantine.

Ces territoires effectivement soumis aux Turcs n’avaient aucune continuité ; ils formaient des fragmens épars, séparés les uns des autres par des groupes indépendans et surtout par de vastes zones incultes et désertes que la politique turque, cherchant à empêcher toute union, toute association, même toute relation entre les tribus, s’efforçait de maintenir à l’état de solitudes. En dehors des villes et de leur banlieue, régnait l’insécurité. Les impôts, chez les tribus qui y étaient astreintes, n’étaient recouvrés que par l’envoi de colonnes militaires ou mahallas. Les soldats turcs, ioldachs, servaient un an en garnison, étaient libres et chômaient l’année suivante, puis, la troisième année, formaient la mahalla, colonne qui effectuait la perception de l’impôt et la relève des garnisons.

Sauf que le dey n’avait pas un caractère religieux et que la milice turque était plus solide que les bandes du chérif de Fez, on voit que le régime de l’Algérie avant l’entrée des Français ne

  1. Les Musulmans français du nord de l’Afrique, par Ismaël Hamet, officier interprète principal à l’Elat-Major de l’armée ; A. Colin, 1906.