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l’avenir de nos possessions nord-africaines et quelle politique la France doit y suivre pour conserver à ces pays le développement le plus ample et le plus régulier.


III

La population indigène musulmane s’offre d’abord à notre examen. Dans l’ensemble, elle n’a pas souffert de la conquête et du régime français, puisque le nombre des indigènes musulmans a plus que doublé depuis 1830 et que, même dans les années les moins favorisées, comme 1904, les naissances y dépassent sensiblement les décès. Sans doute, il a pu être commis des fautes nombreuses, quelques-unes graves, d-ms le traitement des indigents d’Algérie. Mais la France leur a procuré certains biens inappréciables dont ils étaient privés : la sécurité, une exacte justice et une offre croissante de travail ; elle a fait des efforts aussi, surtout dans les derniers temps, pour répandre chez eux les principes de l’hygiène moderne et écarter d’eux les épidémies.

Un officier de notre armée algérienne, M. Ismaël Hamet, vient de publier un livre fort intéressant, que nous avons déjà cité : Les Musulmans français du Nord de l’Afrique. L’auteur s’y occupe du sort actuel et des destinées futures de ses coreligionnaires dans notre grande colonie. Ses observations n’ont rien de morose ; elles seraient plutôt empreintes de quelque excès d’optimisme. Deux opinions principales s’étaient formées autrefois au sujet des relations possibles entre les musulmans algériens et les colons : les uns espéraient, non seulement un rapprochement, mais une sorte de fusion, de ces deux élémens, de manière à constituer une nation nouvelle, dont l’homogénéité se constituerait graduellement, à l’image de la population africo-latine sous l’Empire romain ; la greffe française se développerait sur les racines berbères et arabes. D’autres soutiennent que l’antagonisme est irréductible entre nos sujets musulmans et les Européens, que l’opposition des conceptions fondamentales, peut-être aussi la lutte pour l’existence, ne cesserait pas de les maintenir, non seulement séparés, mais encore en état d’hostilité constante.

Entre ces deux opinions absolues s’en place une intermédiaire, qui est la nôtre. On ne peut espérer, suivant nous, obtenir la