Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes denrées qu’ils s’ignoraient avant l’arrivée des Français en Afrique. Les indigènes cultivent ainsi 26 000 hectares d’avoine, 5 000 de pommes de terre et plus de 13 000 de légumes divers ; ce sont encore là des étendues restreintes, mais elles prennent chaque jour plus d’extension. Ils perfectionnent leurs instrumens : dans le département d’Oran, il ressort d’un rapport adressé en 1903 par le préfet au gouverneur-général que, dans les trois dernières années, 6 235 indigènes ont, soit de leur initiative privée, soit avec le concours des sociétés indigènes de prévoyance, acheté 10 908 charrues françaises, par lesquelles ils remplacent l’antique et inefficace charrue arabe. Et ce n’est pas seulement dans la région du Tell, c’est sur les hauts plateaux et jusqu’à la lisière même du Sahara que s’effectue cette modification d’outillage chez les Arabes : on cite le cas notamment des cultivateurs indigènes du Djebel Amar, à 195 kilomètres au sud de Tiaret, qui possèdent près d’un millier de nos charrues. D’après les relevés administratifs, cette seule substitution de charrue augmente la production en moyenne chez les indigènes qui y recourent, de 1 quintal et demi de blé par hectare et de 3 quintaux d’orge, élevant la première de 5 et demi à 7 quintaux et la seconde de 8 à 11.

D’autres progrès s’ajoutent à celui-là dans la technique agricole de nos sujets musulmans ; ils dénotent, à la fois, de l’ouverture d’esprit et un certain degré d’aisance : un répartiteur des contributions diverses écrit : « Il y a vingt ans, aucun fellah (cultivateur indigène) ne possédait de voiture ; actuellement, dans le seul arrondissement d’Oran, il y en a près de quatre cents imposées : carrioles, breaks, charrettes, etc. »

M. Ismaël Hamet nomme un certain nombre de propriétaires musulmans, dans les trois provinces, qui se distinguent par leurs goûts d’amélioration et par l’étendue et la bonne direction de leurs cultures. Nombre d’entre eux ont des bâtimens ruraux à la mode européenne, de véritables fermes bâties en pierre et couvertes en tuile. Certains se conforment à nos assolemens, font des labours de printemps, si recommandés et dédaignés encore par beaucoup d’Européens. |Tel indigène, M. Kaddour Belkassem, caïd du douar Mina, exploite plus de 6 000 hectares de terres, sur lesquelles vivent 4 200 personnes (Européens et indigènes), « il possède tous les instrumens agricoles modernes, pratique toutes les cultures, a avec ses métayers et ses khammès (colons partiaires)