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fait preuve, comme cette assemblée même, de l’esprit le plus prévoyant et le plus pondéré. Il combat avec succès le reproche de « tempérament épicier, » qu’on a, dans notre parlement métropolitain, adressé avec beaucoup de légèreté à l’Assemblée algérienne. Cette modération et cette prudence assurent l’avenir de la colonie.

Son essor soutenu et ininterrompu paraît aujourd’hui garanti. Les deux élémens, celui des colons et celui des indigènes, se développent parallèlement et, s’ils ne se fondent. pas, ils se rapprochent et concourent à la même œuvre productive. Il est probable que les proportions numériques entre ces deux élémens se modifieront peu désormais. Autrefois on pouvait croire que, l’élément indigène restant stationnaire et l’élément européen s’accroissant par l’immigration, celui-ci arriverait un jour à se mettre presque au niveau numériquement de celui-là. On ne peut plus entretenir cette illusion, l’élément indigène étant en accroissement constant et l’immigration n’augmentant que de quelques milliers d’âmes chaque année l’élément européen. Aujourd’hui les 630 000 habitans environ d’origine européenne sont aux 4 200 000 indigènes musulmans dans le rapport de 1 à 6 et demi. Ce serait un très grand succès pour la colonisation européenne si le nombre des Européens arrivait jamais à être au nombre des indigènes dans le rapport de 1 à 6 : 850 000 Européens, par exemple, armée non comprise, vers 1930, à l’époque du centenaire de l’Algérie française, contre 5 100 000 indigènes. Il est possible qu’un jour il y ait en Algérie une sorte de saturation de l’élément européen : cela même est probable. Quand de nouvelles générations d’Arabes et de Kabyles auront accentué l’évolution que nous avons constatée avec M. Ismaël Hamet, quand un grand nombre d’entre eux se seront rendus plus familiers avec nos arts et nos métiers, qu’ils seront devenus non seulement d’habiles menuisiers, charpentiers, serruriers, forgerons, mais chauffeurs de locomotives, mécaniciens, ouvriers électriciens, la saturation de l’élément européen commencera à se faire sentir ; c’est l’affaire d’une ou tout au plus de deux générations ; et il est douteux qu’il y ait jamais place dans notre Algérie pour beaucoup plus de 1 million ou 1 200 000 âmes d’origine européenne.

Il faut envisager cette éventualité, différée sans doute, mais non très distante. Notre œuvre colonisatrice n’en serait aucunement compromise et ne perdrait rien de son mérite. La solidité du lien