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notamment de l’élément étranger qu’il serait si important de gagner et de s’assimiler, de perdre aussi du crédit et du prestige auprès de l’élément indigène par une affectation de mépris officiel pour toutes les croyances religieuses. Car il éclate aux yeux de tous que, sous la formule de neutralité et d’abstention de l’État dans les questions religieuses, ce que l’on intronise en France et ce que l’on cherche à importer dans nos colonies d’Afrique, c’est l’athéisme officiel.


V

L’espace va nous manquer pour parler de la Tunisie. Cette nouvelle fille de la France, fille adoptive, par un statut nouveau, a été l’objet de beaucoup d’éloges, puis de critiques récentes auxquelles le parti pris n’était pas étranger. On l’avait, sans doute, comblée de trop de louanges, mais les reproches contenus dans un rapport législatif d’il y a deux ans, celui de M. Chautemps, sont beaucoup plus exagérés que ne pouvaient l’être les dithyrambes d’autrefois. Après quelques épreuves, qui ont un moment retardé, sans l’arrêter, son essor, la Tunisie donne de nouveau l’impression d’une contrée prospère et en voie ascensionnelle. Certaines circonstances spéciales, propres à sa constitution naturelle, l’ont grandement servie dans ces temps récens et lui ont rendu l’impulsion vive qui paraissait sur le point de lui manquer.

Dans les années qui suivirent l’occupation, de grands capitaux français s’y étaient portés avec entrain pour la création de vastes domaines agricoles. Puis, quelques déboires étant survenus, ce mouvement tendait à se ralentir. La découverte opportune de richesses minérales, notamment de phosphates, fournit un nouvel appât aux capitaux et de nouvelles ressources au pays. La Compagnie, aujourd’hui célèbre et triomphante, des phosphates de Gafsa réunit non sans peine, il y a dix ans, le capital de 18 millions de francs nécessaire à l’établissement, sans subvention ni garantie d’intérêt, d’un chemin de fer de 250 kilomètres en plein désert et à la création d’une exploitation minière dans le Sahara. Le public jugeait cette entreprise, sinon folle, du moins fort hasardeuse. L’événement a donné tort à ce scepticisme, et cette