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entreprise apparaît aujourd’hui comme l’un des plus grands succès industriels que le XIXe siècle expirant ait légués au XXe siècle. Devenue la première société phosphatière du monde, expédiant aujourd’hui 600 000 tonnes de phosphates par son chemin de fer, objet de tant de frivoles critiques au début, en attendant qu’elle en écoule prochainement un million de tonnes, la Compagnie de Gafsa a suscité l’émulation. Deux autres grands gisemens de phosphates ont été reconnus plus au nord et ont justifié l’établissement de chemins de fer : les phosphates auront ainsi procuré à la Tunisie trois lignes ferrées parallèles, toutes les trois perpendiculaires à la mer, traversant le pays de part en part, ayant ensemble environ 800 kilomètres de longueur, et ne demandant à l’État aucun sacrifice, lui rapportant au contraire.

La découverte et la mise en exploitation rapide des gisemens de phosphates aura été la baguette magique, à laquelle, après des débuts un peu incertains et indécis, est dû l’essor tunisien. D’autres richesses minérales importantes ont été reconnues et sont devenues rapidement exploitées : les mines de plomb et de calamine (zinc) abondent dans le pays ; soutenues ou plutôt poussées par les très hauts prix, à l’heure présente, de ces deux métaux, surtout du zinc, les actions de trois des sociétés de mines tunisiennes de zinc et de plomb, produisant des dividendes, se cotent, à la Bourse de Paris, avec des primes variant entre 30 et 90 pour 100 : nombre d’autres travaillent avec succès. Voici de plus que l’on vient de découvrir de vastes mines de fer, concédées à des groupes puissans et qui, sur le point d’entrer en exploitation, font espérer une exportation de 700 000 à 800 000 tonnes par an.

Ce qui caractérise la Tunisie, c’est la rapidité des décisions ; l’organisme souple du protectorat, affranchi des conseils multiples, des entraves administratives ou législatives, permet de résoudre promptement les questions. Il ne s’écoule pas, comme dans la colonie voisine, une demi-douzaine ou une douzaine d’années entre la reconnaissance d’un gisement minier et sa concession ou son exploitation, entre la conception d’une réforme utile au régime des chemins de fer et la réalisation pratique de cette réforme. Les choses s’effectuent promptement et sûrement ; les délais ne s’ajoutent pas interminablement les uns aux autres, décourageant les bonnes volontés. Cette célérité e.st l’un des plus grands mérites en colonisation : la Tunisie paraît n’avoir rien à envier, sous ce