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UNE
PATRICIENNE CHRÉTIENNE
AU CINQUIÈME SIÈCLE

MELANIE LA JEUNE

En 1884, le nonce du pape à Madrid, fouillant les manuscrits de l’Escurial, y découvrit une biographie latine de sainte Mélanie la Jeune, qui avait toujours échappé à la curiosité des chercheurs. Elle était bien conservée, et n’affectait d’ailleurs aucun mérite littéraire ; mais il parut au prélat qu’elle valait la peine d’être publiée, comme document. Il en prit une copie, et en commença l’étude. Nonce propose et pape dispose : trois ans après, Mgr Mariano Rampolla del Tindaro, représentant de Sa Sainteté Léon XIII auprès de Sa Majesté le Roi catholique, était brusquement convoqué par son auguste maître : il devait déserter les labeurs de l’érudition pour les jeux de la politique quotidienne et l’étude des manuscrits du passé pour le déchiffrement des déclarations diplomatiques. A leur façon, elles aussi, ne sont-elles pas des palimpsestes ? Elles se lisent entre les lignes et derrière les lignes ; ce qu’elles paraissent dire n’est pas toujours ce qu’elles veulent faire comprendre ; il les faut éplucher avec une sollicitude patiente, comme Angelo Mai, jadis, grattait les parchemins qui finirent par nous rendre la République de Cicéron. Et tandis que le cardinal Rampolla se dévouait à ces besognes, l’Escurial jaloux gardait toujours son trésor.

Seize ans durant, l’ancien familier de sainte Mélanie dut supporter sur ses épaules vêtues de pourpre le poids accablant de l’Eglise militante tout entière. Que peut bien importer à l’Eglise