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de l’or en Victoria, ont afflué dans le pays, à partir de 1851 et pendant les dix ou douze années suivantes. Ce mouvement s’est alors ralenti. Il a cessé depuis une quinzaine d’années. À l’époque actuelle, le nombre des arrivans compense à peine celui des partans. On peut donc concéder que les chercheurs d’or, ainsi que les manœuvres, les ouvriers, les paysans, venus avec les « prospecteurs » ou à leur suite, pendant la période de la fièvre de l’or, étaient d’honnêtes gens, aussi bien que les financiers, ingénieurs, entrepreneurs, plus ou moins improvisés, qui les accompagnaient. Pourtant, ces hommes qui, répandus plus tard dans toutes les branches de l’activité nationale, ont été les créateurs de l’Australie, avaient une mentalité différente de celle des Covenantaires du XVIIe siècle. C’étaient, au sens propre du mot, des aventuriers. Ils s’expatriaient non pour jouir de la liberté et pratiquer en paix leur religion, mais pour chercher la fortune. Et quoique, ensuite, aux États-Unis comme en Australie, le flot de l’immigration ait été composé d’élémens de nature analogue, les populations des deux pays n’en ont pas moins eu, pour noyau initial, des gens de classes, de goûts, d’habitudes, et de culture intellectuelle, dissemblables.

Le second fait c’est le mode de pénétration des immigrans de race blanche sur les continens américain et australien. En Amérique, la poussée colonisatrice, grâce à la disposition physique et orographique du sol, s’est produite directement vers l’intérieur. En Australie, elle s’est étendue le long des côtes, sur un immense périmètre, n’avançant que très lentement vers la partie centrale, aride, du pays. Même aujourd’hui le territoire habité du continent australien a encore la forme d’un croissant de l’une dont une pointe est au cap York, extrémité Nord du Queensland, et l’autre à Perth, capitale de l’État de l’Australie Occidentale.

Il en est résulté que les premières organisations politiques ont eu lieu par le groupement d’intérêts répartis sur une longue étendue linéaire. En se constituant, ces organisations se sont réservé l’hinterland, encore complètement inconnu, et ne l’ont limité que par des ligues géographiques idéales. Moins d’un demi-siècle après le début de l’effort colonisateur, le continent australien était divisé en cinq colonies, chacune d’une superficie moyenne égale à trois fois celle de la France, tandis que le territoire des États-Unis, à peu près égal à celui de l’Australie