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(780 millions d’hectares), était divisé en petites unités, aujourd’hui au nombre de quarante-neuf.

Il est aisé de comprendre que les grandes colonies australiennes, ayant subsisté pendant deux générations dans un état de parfaite indépendance les unes vis-à-vis des autres, et leurs capitales étant séparées par des distances considérables, aient dû gérer leurs intérêts propres sans souci d’une future union ; en sorte que des sentimens particularistes, mettant de plus en plus obstacle à la communauté des vues générales, ne pouvaient manquer de s’y développer.

Ces sentimens, dont la force a failli faire échouer la Fédération, n’ont existé en Amérique que de région à région, et non pour les mêmes causes. Ils y ont presque disparu ; tandis qu’en Australie, où ils ont conservé leur raison d’être et une base officielle assez large, on les constate presque aussi vivans et ombrageux qu’il y a vingt ans. De là, sans doute, l’allure de provincialisme qui, malgré la concentration excessive de la population dans les capitales, se remarque dans l’esprit de la société australienne ; et aussi ; une hésitation marquée à faire des sacrifices à l’idée de l’international. La période actuelle, celle des premières années de la*-Fédération, est toute remplie des doléances des Etats. Chacun se plaint de voir ses droits lésés, ses intérêts négligés par le gouvernement central et en accuse la Constitution et les ministres.

La Constitution n’est pas parfaite : un compromis laborieusement obtenu est rarement excellent. Les ministres ont commis des fautes : ils ont pu manquer de largeur de vues, de méthode et de caractère. Cependant, la cause du mécontentement, à peu près général, réside plutôt dans la manière de voir les faits que dans les faits eux-mêmes. C’est dans la persistance du particularisme qu’il prend sa source, quoique le principe dominant de la Constitution fédérale soit un maximum d’indépendance vis-à-vis de la mère patrie et un minimum d’autorité du gouvernement central vis-à-vis des Etats. L’œuvre du temps sera favorable à l’idée nationale, mais cette évolution ne s’accomplira qu’avec lenteur.

Enfin, une autre différence distingue de façon très apparente la société australienne de la société américaine. C’est l’absence, en Australie, du milliardaire. Aucune fortune n’y approche même de loin, de celles des cent plus riches citoyens des Etats-Unis.