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flatteries et de jolies promesses. C’est le commencement d’une révolution mondiale... Et, en attendant, nous broierons le parti libéral, si nous le pouvons. Selah ! » Dans leurs commentaires sur les résultats des élections générales, Justice, l’organe des marxistes de la Social Democratic Federation (n° du 26 janvier 1906), et Labour Leader, l’organe des possibilistes de l’Independent Labour Party, sont également sévères pour les vainqueurs de la réaction protectionniste et conservatrice.

Docile aux idées que son fondateur devait, quelques jours plus tard, exprimer, en adoucissant les termes, dans la National Review (n° de février, p. 1003 à 1008), le journal de Keir Hardie s’exprime comme il suit : « Plus on analyse la liste grandissante des nouveaux députés libéraux, plus on est frappé du pouvoir énorme du capital organisé. On laisse échapper un soupir de reconnaissance en songeant que cet événement n’a pas eu lieu, avant que le travail fût prêt à amener ses bataillons sur le champ de bataille. Au cours de cette catastrophe, des plaines entières de l’agréable féodalité tory ont disparu et les blanches falaises crayeuses du libéralisme capitaliste dominent le paysage, flanquées par une colline d’argile schisteuse appelée Lib-Lab, qui témoigne déjà d’une inquiétante tendance à glisser vers les blanches falaises. Dans un sain isolement le roc du travail indépendant se dresse comme un des principaux caractères du paysage... Le nouveau Parlement n’est plus le « meilleur club de Londres. » C’est un Parlement de patrons, la forteresse du pouvoir de l’argent, la vraie citadelle de la domination capitaliste. Il vaut peut-être mieux qu’il en soit ainsi, car rien ne pouvait faire plus pour unifier et consolider les nouvelles forces du parti ouvrier dans une fidélité complète à l’esprit d’indépendance. »

Les survivans du mouvement socialiste » de 1883 à 1886 se croient encore au temps où le parti conservateur, sous l’influence d’un lord Randolph Churchill et d’un sir John Gorst, se donnait comme le défenseur des réformes sociales, en face d’un parti libéral absorbé par le Home Rule. Vingt ans de pouvoir, la poussée impérialiste, la réaction protectionniste ont transformé les caractères du parti conservateur, renouvelé les cadres du groupe radical. Ils ne représentent plus les mêmes couches sociales qu’il y a un quart de siècle. Les intransigeans socialistes ne furent pas écoutés. Une fois de plus l’utilitarisme des politiques l’emporte sur la rigidité des doctrinaires.