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réside une population compacte d’employés de chemins de fer, et d’ouvriers qui travaillent le fer et le bois, pour la construction des voitures. À côté d’eux, les chiffonniers sont nombreux ; ils sont là, parce qu’il existe des terrains vagues, dont les plus navrans, aux environs de la rue Letort, sont occupés par les roulottes de bohémiens qui ne parlent pas français. Cet endroit est particulièrement surveillé par la police ; elle y fait parfois de bonnes prises, car certains hôtels sont un refuge pour receleurs et malfaiteurs. Les cliens du bureau de bienfaisance sont en nombre : rue du Poteau, impasse du Mont-Viso, passage du Mont-Cenis, rue du Roi-d’Alger, passage des Poissonniers. C’est la partie la plus triste du quartier. Au Sud de la rue Ordener, la misère est beaucoup moins noire. Il existe encore quelques terrains ; mais ce sont d’anciens jardins, avec de beaux arbres qui n’ont plus beaucoup à vivre, car on va bâtir. Toutes les maisons qui sont autour ont pour locataires des employés qui vivent de leurs emplois. Quelques-uns ont des loyers de 1 500 à 2 000 francs ; le reste, c’est-à-dire la majorité, habite de petits logemens ; mais ce ne sont pas des malheureux. À droite de la mairie, rues Marcadet, Senart et Eugène-Sue, dans les bâtimens de la Société « La Foncière, » sont recueillis plusieurs milliers de Roumains et de juifs de la Russie méridionale, qui sont tous tailleurs et faiseurs de casquettes. Ils ont des marchands et restaurans à eux ; ils ne parlent pas français, ont un très grand nombre d’enfans, et généralement sont malheureux. Ils demandent souvent des secours. On hésite à leur donner, car on sait qu’ils sont aidés par les œuvres spéciales. Un peu plus loin, les magasins Dufayel attirent la clientèle de ceux qui dans Paris achètent à tempérament. Tout autour, s’est développé un commerce actif de meubles, vêtemens, bijouterie, qui fait concurrence à Dufayel dans des boutiques, grandes et petites, aux vitrines engageantes. Sur la butte, l’église du Sacré-Sœur a fait naître une exposition permanente d’images et objets religieux destinés aux milliers de fidèles venant des paroisses de Paris. Toutes les pentes sont habitées comme le quartier voisin ; mais il y a moins de maisons neuves qu’aux Grandes-Carrières, et aussi moins de vie galante.

Le territoire de la Goutte-d’Or est occupé, pour plus de moitié, par les ateliers et la gare aux marchandises de la Compagnie du Nord ; pour le reste, la densité de la population est