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Achevé presque en même temps que celui d’Assouan sur un plan bien plus restreint et destiné à élever le fleuve à la prise du grand canal Ibrahimieh, le barrage d’Assiout a, lui aussi, la forme d’un pont. Entre ses arches sont des vannes grâce auxquelles on règle le débit de ce canal qui irrigue la Moyenne-Egypte et le Fayoum. La même année 1902 vit encore l’inauguration du barrage de Zifta établi sur la branche de Damiette pour compléter l’œuvre de celui du Delta de façon à retenir quatre mètres d’eau au-dessus du niveau le plus bas du fleuve.

Avant même que ces travaux fussent terminés, leurs auteurs songeaient déjà à l’agrandissement du plus important d’entre eux et d’autres ouvrages plus vastes encore, plus hardis surtout, prenaient forme et hantaient leur imagination.


VI

En préconisant le projet d’un réservoir à la crête de la cataracte d’Assouan, sir W. Willcocks proposait de lui donner 28 mètres de retenue et une capacité de 2 700 millions de mètres cubes. Une des raisons qui firent réduire ces mesures à 20 mètres de hauteur et à un milliard de mètres cubes fut le souci de préserver d’une submersion complète le temple de Philœ. Quand on apprit que l’eau du réservoir d’Assouan ne pouvait servir qu’en faible partie à la fécondation des terres incultes mais allait être employée à l’amélioration des cultures existantes, il n’y eut qu’un cri dans le pays : Agrandissons le réservoir et plaçons le barrage à la hauteur prévue au projet de M. Willcocks ! Ce dernier apporta aux intéressés l’appui de sa grande autorité. Avant de rien entreprendre, le gouvernement consulta le savant ingénieur sir B. Baker, principal membre de la Commission internationale à laquelle avait été soumis le projet du réservoir. Sir B. Baker émit des doutes sur la solidité du barrage ainsi surélevé ; il conseilla d’attendre et d’observer. Le ministère des Travaux publics s’appropria d’autant plus facilement cet avis que sir W. Garstin, conseiller de ce département, rattache l’agrandissement du réservoir à une série d’autres œuvres qui devraient être exécutées dans le Soudan et dans la région des lacs équatoriaux, mais seulement après de longues études. Cette décision eut pour corollaire la suspension de la vente des terres incultes de l’Etat ; elle causa une vive émotion et souleva d’ardentes protestations.