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Le gouvernement, qui n’avait pas été à la peine, ne fut pas non plus à l’honneur ; l’inauguration eut lieu sans pompes officielles, sans éloquence ministérielle ; nos hommes d’État, si empressés d’ordinaire à célébrer l’inauguration d’un groupe scolaire ou de la statue d’une célébrité cantonale, ne parurent pas officiellement à Marseille. On raconte volontiers, sur la Canebière, qu’entre le modéré M. Chanot, maire antiflaissiériste (pardon pour ce néologisme de la langue politique ! ) et le très radical et socialiste M. Estier, président du Conseil général, le gouvernement, craignant d’être compromis par les uns ou de paraître le prisonnier des autres, préféra s’en tirer par l’abstention. Mais rien ne réussit comme le succès et le Président de la République vient de venir à Marseille. Sa visite, en avril ou en mai, alors que le succès était encore incertain, aurait été acclamée avec enthousiasme ; sa venue tardive a été accueillie avec satisfaction, comme une consécration de la réussite complète de l’Exposition. La visite du Président a été, pour une grande partie de la presse parisienne, une occasion de découvrir l’Exposition. Est-ce parce qu’un pays où les journaux de la capitale n’arrivent qu’à onze heures du soir ne saurait intéresser la presse boulevardière ? Ou bien faut-il croire, comme on le raconte volontiers, qu’il ne suffit pas de les mériter pour obtenir les éloges de certaines feuilles dont le Comité marseillais aurait négligé de stimuler le zèle ? Toujours est-il que, grâce au silence et à l’indifférence d’une grande partie de la presse quotidienne, la France a ignoré jusqu’à ces derniers jours l’Exposition de Marseille. Bien mieux, Paris exhibe, au grand Palais, une déplorable contrefaçon de Marseille, une « Exposition coloniale » où il y a de tout, excepté des colonies. Il est caractéristique, en même temps que pénible, de constater qu’à l’étranger, l’effort de la grande cité provençale et de nos colonies a été mieux compris et mieux apprécié ; les Allemands[1], les Anglais, les Italiens sont venus en grand nombre ; leurs journaux ont discuté et, en général, célébré en termes très flatteurs cette imposante manifestation de notre énergie nationale ; ils ont constaté, parfois avec une nuance de dépit, quels progrès nos colonies ont su réaliser dans ces dernières années et quelle place tient aujourd’hui, dans le monde,

  1. Le voyage se trouve aujourd’hui facilité grâce à la création, par la Compagnie P.-L.-M., de voitures directes de 1re et de 2e classes de Francfort-sur-le-Mein à Marseille et à la Côte d’Azur, par Bâle et Besançon.