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LES RAISONS DU CONCORDAT

I. — LE RÉGIME DE LA SÉPARATION
SOUS LE CONSULAT ET L’ANARCHIE RELIGIEUSE


I

Quatre mois avant le 18 brumaire, Boulay de la Meurthe prononçait ces mots, à la tribune des Cinq-Cents : « Si un homme à la tête de dix mille soldats disait au peuple : Je vais vous rendre votre liberté religieuse... » De violens murmures interrompirent l’orateur et l’empêchèrent d’achever. Il dut descendre de la tribune.

On était au temps où sévissait la liberté révolutionnaire. Un renouvellement de rigueurs s’était appesanti sur les cultes, après l’émancipation désordonnée et la grande renaissance qui avaient suivi Thermidor. Maintenant, c’était le régime fructidorien : un mélange d’hypocrisie et de brutalité ; la liberté des cultes proclamée en principe et effectivement anéantie ; la grande majorité du clergé dispersée, les prêtres insermentés presque tous déportés, emprisonnés, bannis ou réduits à se cacher, les constitutionnels eux-mêmes inquiétés ; un certain nombre d’églises rouvertes et partagées entre les divers cultes, un plus grand nombre d’églises fermées depuis 93 ou refermées après Fructidor ; toute pratique extérieure interdite, les enterremens sans prêtre, les croix abattues, les clochers muets ; le calendrier républicain se faisant instrument de déchristianisation et s’imposant comme loi de l’Etat, supprimant les fêtes religieuses, ordonnant impérativement la célébration des fêtes civiques, obligeant les