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citoyens sous peine d’amende et de prison à travailler le dimanche et à chômer le Décadi, obligeant en certains départemens l’église à se fermer le dimanche et à transférer au Décadi l’office dominical, interdisant les marchés à poisson au jour de ci-devant vendredi ; en somme, un enchevêtrement de lois iniques, vexatoires, absurdes, souvent aggravées par des arrêtés locaux. Ces persécutions et ces monstrueuses puérilités avaient fini par excéder à peu près tout le monde ; elles provoquaient surtout un profond mouvement de réaction rurale.

Le paysan de France avait été le principal bénéficiaire de la Révolution. Les premiers et fondamentaux bienfaits de la Révolution, abolition des servitudes et redevances féodales, affranchissement de la terre, liberté du commerce intérieur, avaient imprimé à l’agriculture, depuis dix ans et même dans les pires jours, un commencement d’essor. La lourdeur des impôts, la conscription, le désordre général ne contrariaient que partiellement ce progrès. Ce qui tourna la masse agraire contre le régime améliorateur de son sort, ce fut la persécution de ses croyances et le dérangement de ses habitudes. Cette violence faite au sens traditionnel de la race préjudicia plus au régime républicain que la Terreur. On peut lire les rapports des commissaires nommés par le Directoire en chaque département près de l’autorité locale, afin de requérir et de surveiller l’exécution des lois. La correspondance de ces agens, animés du plus pur zèle sectaire, n’est qu’une longue doléance. Sans aucune exception, sans la moindre dissidence, tous reconnaissent que la population des campagnes s’irrite du système d’irréligion obligatoire et réagit à des degrés divers.

La lutte atroce qui se remet à ensanglanter l’Ouest n’est qu’une guerre de religion, où des masses catholiques suivent au combat des chefs royalistes. En 1799, une irruption de paysans exaspérés surgit des vallées pyrénéennes et menace Toulouse. Dans la Haute-Garonne et les pays d’alentour, la réaction rurale assiège le jacobinisme urbain. D’un bout à l’autre de la chaîne des Cévennes, la guerre de partisans circulait, avivée par l’exécution violente des lois qui supprimaient toute pratique religieuse au nom de la science et du progrès. Contre les dragonnades philosophiques, le catholicisme cévenol avait ses camisards. L’Ardèche était en feu, la Lozère, la Haute-Loire et toute la partie montagneuse du massif central eu fermentation