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qui se fût discréditée dans le scandale des disputes ; pour l’Etat, un grave péril ou, pour mieux dire, une impossibilité.

Aussi bien, en dehors des constitutionnels, le clergé français restait en sa grande majorité, quelles que fussent ses dissidences au sujet de l’attitude à prendre envers le gouvernement consulaire, clergé d’ancien régime. Il conservait l’esprit, la tradition, le regret des âges révolus. Pouvait-il en être autrement d’un clergé toujours rivé à l’épiscopat émigré, aux évêques gentilshommes, nommés par le Roi, dévoués au Roi, préférant sans doute atout l’intérêt de la religion, mais trop portés, sauf exceptions, à confondre cet intérêt avec celui de la légitimité et à transformer les plus ardens de leurs prêtres en missionnaires de contre-révolution ? La position du clergé était la plus étrange qui se pût concevoir : il avait, pourrait-on dire, le corps en France et la tête hors de France. La partie supérieure et extérieure, c’est-à-dire l’épiscopat, restait en puissance d’émouvoir les autres ; elle pourrait toujours de ses lieux de refuge contrarier à l’intérieur les volontés conciliantes, prolonger les scrupules, perpétuer une cause de trouble dans cette France où frémissaient encore tant de passions. En somme, soixante-dix à quatre-vingts prélats expatriés restaient maîtres de la tranquillité intérieure en France. Et cette situation sans exemple, les gouvernans de l’an VIII ne disposaient d’aucun moyen de la faire cesser, à moins de recourir à une autorité supérieure à celle des évêques et d’en obtenir les prérogatives de la royauté, c’est-à-dire de restaurer l’accord de l’État et de l’Église sur sa base séculaire et de renouveler l’antique stipulation avec Rome.

Il est très vrai qu’après dix mois de gouvernement consulaire, sous l’influence du libéralisme relatif de Bonaparte, une notable détente s’était opérée entre le catholicisme de l’intérieur et l’Etat. Les fidèles respiraient. Parmi les milliers de prêtres rentrés ou s’occupant à rentrer, nombreux étaient ceux qui, sans rompre avec leurs supérieurs émigrés, se dépouillaient de toute passion politique, se vouaient simplement et saintement au devoir de leur ministère, au soulagement des populations avides de secours religieux et au réconfort des âmes délaissées. Les uns avaient signé la promesse, conformément à la doctrine soutenue par l’abbé Émery et ses collègues. Les autres, sans signer la formule, se soumettaient en fait, pratiquaient et conseillaient l’obéissance au gouvernement. Ceux-là désiraient