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réprimer sévèrement les écarts politiques de leurs ministres. On eût ainsi fait l’essai loyal de ce régime de séparation qui, sous la Convention et le Directoire, n’avait été qu’une laide dérision. Ce thème, outre qu’il répugnait à l’esprit essentiellement autoritaire et ordonnateur de Bonaparte, ne nous paraît pas résister à l’examen des faits, si on les considère d’un point de vue purement historique.

En 1800, la France était encore moins mûre pour l’organisation des cultes en dehors de l’État qu’elle ne l’était pour la liberté politique. Son premier besoin était la paix intérieure, dont la paix religieuse est une indispensable assise Or, rien n’indique que les querelles religieuses issues de la Révolution et de ses différentes phases fussent en voie d’apaisement ; rien ne permet de supposer qu’elles se fussent éteintes d’elles-mêmes.

La grande division entre catholiques et constitutionnels se compliquait toujours de multiples déchirures. Prêtres jureurs, prêtres totalement ou partiellement réfractaires, prêtres promissaires, quasi-promissaires, non-promissaires, se disputaient toujours la foule catholique. Les groupes religieux se subdivisaient à l’infini, s’éparpillaient en mille variétés d’opinion et de conduite[1]. Quelques-uns n’étaient séparés que par des nuances, mais on sait qu’en ces délicates matières de controverse où s’exaspère la sensibilité des consciences, les nuances séparent autant que des dissidences tranchées. Entre gens d’église et gens s’occupant de choses d’église, l’universelle polémique continuait. La concurrence des cultes se manifestait en haut par des violences de parole, en bas par des voies de fait ; on la retrouvait dans l’intérieur des familles, au chevet des mourans ; elle se disputait les vivans et les morts. C’était toujours l’incertitude des consciences, le gâchis, la confusion, le chaos, et cette perturbation de la vie religieuse opposait à la pacification du pays un invincible obstacle. Parmi les chrétiens et même les simples amis de la concorde, chacun s’affligeait de ces dissensions et nul n’en voyait le terme. Le maintien de la séparation, appliquée même avec sincérité, eût substitué indéfiniment la guerre entre les cultes à la guerre aux cultes. Il eût été un grand malheur pour l’Église,

  1. A Paris, on lisait dans les Petites Affiches l’offre d’une église à louer dans les conditions suivantes : « S’il se présentait une société d’ecclésiastiques bien d’accord, on pourrait traiter avec eux d’une manière satisfaisante. » Aulard, Parts sous le Consulat, I, 623-624. Cf. Lanzac de Laborie, Paris sous Napoléon, I, 307-308.