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« Puisque vous êtes en Allemagne, monsieur le comte, vous avez pu vous apercevoir de la manie des traductions qui règne dans ce pays. J’ai vu traduire en allemand tant de guenilles que je puis supposer sans fatuité qu’on me fera le même honneur. C’est encore là, ce me semble, un point dont vous pourriez vous occuper, en faisant circuler l’annonce d’une deuxième édition qui suspendrait le travail des traducteurs, soit en proposant vous-même l’entreprise à quelque homme de lettres de notre couleur. Il faut inciter nos ennemis et faire circuler les idées religieuses et le royalisme, comme ils faisaient et font circuler leurs poisons, par tous les canaux possibles.

« A propos d’idées religieuses, je ne sais comment j’ai oublié de vous faire part d’une anecdote sur mon ouvrage. Il était intitulé : Considérations religieuses sur la France[1] ; mais l’éditeur supprima l’épithète de peur de scandaliser le XVIIIe siècle. Il ne fit pas attention qu’il y avait des passages dans le livre qui se rapportaient à ce titre. Par exemple, monsieur le comte, vous n’aurez pas compris les dernières lignes du chapitre III. Je crois, au reste, que ce titre importe peu. Le meilleur sans doute, serait : Lisez, Français !

« Pardon, monsieur le comte, pour cette longue épître. Je voulais vous rendre compte de ce que j’ai fait, et j’avais encore bien des choses à vous dire. Ce que je ne vous aurai jamais assez dit à mon gré, c’est que je suis entièrement dévoué à la cause de votre souverain, et que j’ai rompu je ne sais combien de lances pour cette cause, avant que des circonstances inouïes me fissent envisager comme possible, je ne dis pas la faculté, mais la nécessité peut-être de devenir Français. Je suis avec une respectueuse considération, monsieur le comte, votre très humble et très obéissant serviteur. — L ECOMTE DE MAISTRE.

« P.-S. — Je vous demande pardon pour les ratures. J’ai cette incommodité (c’est le mot) et il n’y a plus de remède. »


II

Lorsque les deux lettres qui précèdent arrivèrent à Blanckenberg, dans le courant du mois de septembre, on venait d’y

  1. Dans aucune des rares lettres en date de 1794-1797, qui figurent dans la Correspondance imprimée, il n’est fait mention de cette circonstance que nous n’avons vue, d’ailleurs, révélée nulle part.