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ans) ; j’ai rassemblé quelques connaissances. Croyez-vous, monsieur le comte, que quelque grande éducation dans quelque cour du Nord pût me fournir une place au moins décente ? Si les bontés du Roi pouvaient m’être utiles dans ce projet, peut-être qu’il me les accorderait après avoir pris sur ma personne, comme il est bien juste, tous les renseignemens nécessaires. Je sens bien que je n’ai aucun titre auprès de Sa Majesté que d’aimer sincèrement la France et la Monarchie ; mais peut-être que c’en est un. Quoi qu’il en soit, monsieur le comte, si je suis indiscret en vous parlant ainsi de moi, pardonnez, je vous en prie, au geste machinal d’un honnête homme qui se noie.

« Permettez-moi de ne plus signer, et recevez, je vous en supplie, les nouvelles assurances du respect avec lequel je suis, monsieur le comte, votre très humble et très obéissant serviteur.

« Mon adresse est à M. Dubois-Dumilac, aux Chaînes, à Lausanne ; en m’écrivant sous son couvert, votre lettre me sera remise à la main. C’est un digne homme, fort connu du brave général de Précy dont je le suis aussi beaucoup. »


« 19 novembre. — Le départ de cette lettre ayant été forcément retardé, je puis encore vous apprendre que Buonaparte a passé aujourd’hui, allant à Rastadt en droiture. Arrivé à six heures du matin, il est reparti à dix heures sans être sorti de chez Miot[1], et, par conséquent, sans avoir vu le Roi. Monseigneur le duc d’Aoste étant parti ce matin pour son château de Rivoles, on croit qu’il y verra Buonaparte. Les spéculations de tout le monde ont été fort dérangées.

« Le Roi a donné au général républicain un cheval sarde de la plus grande beauté, avec des harnais et des pistolets magnifiques. »


Joseph de Maistre attendait encore la réponse de d’Avaray aux deux lettres qu’on vient de lire, lorsque le texte de celle du 28 septembre, cause de tant d’agitations et qu’il ne connaissait qu’imparfaitement, lui fut communiqué. Il ne nous dit pas par qui. Mais il n’est pas difficile de deviner, en le lisant, que ce fut par le ministre des Affaires étrangères du roi de Sardaigne. Miot

  1. Le comte Miot de Melito qui représentait alors, à la Cour de Turin, le gouvernement français.