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je prens, au lieu de : je mords, je rends, je prends. Dans tous ces cas, la règle phonétique qui amènerait à écrire uniformément les sons identiques, et à supprimer les lettres non prononcées, est en contradiction trop évidente avec la grammaire pour être acceptée.

On a ajouté encore cette proposition singulièrement élastique, de faire les exceptions justifiées par la prononciation de l’ancienne langue française ; tels sont sans doute les noms propres François et Langlois. Mais un énoncé aussi général est difficile à accepter, cette ancienne prononciation étant assurément moins bien connue que la prononciation présente, déjà si variable.

Le souci de ne pas trop choquer les usages, sans autre raison théorique, apparaît dans la proposition de continuer à écrire : chapeau et non chapo ou chapot ; tuyau et non tuio ou tuiot ; reine et non rêne ; laine et non lène ; presse et non prèse ; pain et non pin ; teint et non tin, etc.

C’est la même idée de transaction avec les principes qui conduit à proposer de ne pas modifier l’orthographe des noms propres, ni des noms géographiques.

Signalons encore cette indication additionnelle et conciliante : les consonnes nasales muettes ne pourront être supprimées que si elles ont déjà disparu dans la plupart des mots identiques.

Tout ceci offre le caractère équivoque de concessions momentanées, toutes personnelles, et d’expédiens pratiques, arbitraires et temporaires.

Ici intervient une déclaration étrange, au point de vue de la fixité de l’enseignement. Il faut, dit-on, ne modifier que graduellement la manière actuelle de figurer les sons, de façon à maintenir incomplet, pour le moment, le rapport entre la langue parlée et sa représentation par l’écriture. On ne rendra à cette dernière une parfaite régularité que peu à peu. Au bout de huit ou dix ans, cinq à six ans, peut-être, on reprendra l’œuvre de simplification rationnelle.

Comme la langue change peu à peu par son évolution naturelle, on voit que l’ère des règlemens définitifs de l’enseignement scolaire de l’orthographe risque de n’être jamais close. Il faudra indéfiniment continuer à enseigner des exceptions, d’autant plus pénibles, qu’elles ne résulteront ni d’un usage reconnu, ni d’une règle claire et absolue, et qu’on se propose en outre de les déclarer plus tard contraires aux principes. C’est là du provisoire