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arbitraire et indéfini, dont les complications et les incertitudes accroîtraient la confusion reprochée aux pratiques actuelles.

On a dit quelquefois que notre orthographe est un mélange incohérent de notations appartenant à des époques différentes, et conçues d’après des principes opposés. Les propositions nouvelles demeurent sujettes aux mêmes reproches, et plus aggravées par l’absence d’un usage préalable, parce qu’elles prétendent concilier a priori des principes et des méthodes théoriquement contradictoires.


IV. — APPLICATION DES RÉFORMES

Toute œuvre des hommes est susceptible de changemens, nécessaires en principe, inévitables en fait, et qui peuvent s’accomplir, soit en vertu d’une sorte de maturation spontanée, comme dans la vie des plantes et des animaux ; soit par une réforme provoquée : réforme graduelle ou réforme subite, d’un caractère en quelque sorte révolutionnaire. Quelle de ces méthodes d’application conviendrait-il de suivre, pour la transformation de la langue française, et celle de l’orthographe en particulier ? C’est ce qu’il importe d’examiner.

Ici se présente une question capitale : les réformes proprement dites, avant d’être proclamées, devront-elles être précédées par des modifications progressives de l’usage, modifications tolérées d’abord dans les écoles, jusqu’au jour où leur adoption générale sera proposée par quelque corps compétent, Académie, commission, ou groupe de personnes autorisées par l’opinion publique ? De cette façon, l’acceptation des réformes résulterait du libre consentement de la majorité des écrivains, des philologues, des éditeurs et des imprimeurs.

C’est ce que l’on pourrait appeler, jusqu’à un certain point, la méthode naturelle. En un mot attendra-t-on que l’évolution de la langue s’accomplisse, en quelque sorte, d’une façon physiologique, par le cours spontané et historique des choses, ainsi qu’elle a eu lieu jusqu’au XVIe siècle ?

Ou bien, faut-il recourir à des procédés plus rapides, en appliquant d’autorité chaque réforme, dès qu’elle a été jugée logique ? Les réformes seront-elles ainsi effectuées par une méthode en quelque sorte chirurgicale : je veux dire imposées à un moment donné, conformément à un plan préconçu, rédigé en