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Examinons les argumens sur lesquels se fondent les promoteurs de semblables nouveautés.

En premier lieu, ils invoquent l’autorité que l’État exerce pour établir son système uniforme de poids et mesures : système auquel ils assimilent celui de la langue écrite. Les poids et mesures sont en effet définis, et leur emploi dans les transactions est déterminé par des lois. Mais il s’agit ici de définitions purement matérielles, précisées par des opérations purement physiques et mathématiques, applicables à la réglementation des intérêts industriels, et susceptibles de servir de guides à des décisions juridiques. d’ailleurs, et c’est là une chose fondamentale, ce ne sont pas des règlemens établis, en petit comité, par quelques individus non investis d’une autorité légale à cet égard par l’ensemble des intéressés : ceux-ci n’étant autres que l’ensemble des citoyens français. Or, ces derniers n’ont jamais donné, je ne dis pas à une commission technique, mais même au Parlement et au gouvernement, le mandat de rédiger les lois et règlemens de la grammaire et de l’écriture de la langue française, lien commun de tous les citoyens.

Il y a là un complet oubli de la nature des pouvoirs réels confiés au Ministre, au Conseil supérieur et à leurs Commissions. Sans doute, le Conseil supérieur et le Ministre ont pour mission d’arrêter les programmes des matières de l’enseignement et ceux des examens littéraires et scientifiques. Mais ils n’ont aucune autorité légale sur ces matières elles-mêmes : je veux dire sur la science, ni sur la littérature, c’est-à-dire sur le travail personnel et original des savans et des auteurs. Ce sont là des rôles qu’il ne faut pas confondre.

Toute commission, tout conseil, tout ministre, qui prétendraient, dans l’ordre de la science et de la littérature, modifier l’état reçu, autrement que par des propositions facultatives, commettrait une véritable usurpation de pouvoir.

Cette usurpation serait particulièrement flagrante, si elle était commise par les professeurs et les pédagogues. Certes, les professeurs et les pédagogues, chargés d’enseigner la langue, remplissent l’une des fonctions les plus utiles et les plus honorables dans la société ; mais ils n’ont aucunement reçu la charge de faire la langue et la science elles-mêmes et de leur donner des règles, moins encore de les corriger a priori.

En particulier, les modifications de l’orthographe et de la