Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/764

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle se produirait encore de la part des éditeurs, lésés dans leur fortune par l’obligation de mettre au pilon les ouvrages existant dans leurs magasins, et de les faire recomposer suivant la nouvelle orthographe : objection d’autant plus redoutable, que cette orthographe-ci ne serait nullement garantie, — au contraire, — contre des changemens ultérieurs et incessans. On serait donc exposé à l’obligation de réimpressions perpétuellement réitérées.

Les oppositions ainsi soulevées constitueraient, sans doute, d’après les méthodes économiques actuelles :

1° Un syndicat d’auteurs, d’écrivains, de journalistes, ayant une autorité personnelle reconnue et une force morale supérieure à celle des promoteurs de la réforme, dans leur refus de l’accepter ;

2° Un syndicat de professeurs et instituteurs n’acceptant pas la nécessité de refaire leur éducation et leurs procédés d’enseignement et la tâche d’entrer en lutte avec les traditions de famille de leurs élèves et les textes des éditions autorisées jusque-là ;

3° Un syndicat d’imprimeurs, patrons et ouvriers, refusant de refaire leur éducation pour obéir à des conceptions personnelles et jugées arbitraires ;

4° Un syndicat d’éditeurs, soulevant une question de la dernière gravité et déjà mise en avant, lorsqu’il s’est agi de propositions pour modifier législativement certaines industries : il s’agit des indemnités dues par l’Etat, pour les ouvrages imprimés, mis hors d’usage par ses nouveaux règlemens.

Ces objections sont d’autant plus justifiées, que l’on prétend imprimer de suite des éditions de nos auteurs classiques d’après la nouvelle orthographe, ces éditions étant renouvelables à chaque changement ultérieur.

Voici maintenant un tout autre ordre de difficultés, et non moins considérables, suscitées par de semblables projets de transformations. Il s’agit des populations de langue française, en Belgique, en Lorraine, en Suisse, au Canada, atteintes également par les nouvelles réformes. C’est une hypothèse frivole que de croire à leur acceptation, ipso facto, et immédiate. Rien n’est moins certain ; car ces populations n’auraient pas eu voix au chapitre, et il peut résulter de là de graves malentendus, au détriment du maintien parmi elles de l’autorité de la langue française.