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Cette observation s’applique d’ailleurs d’une façon générale à l’enseignement de la langue française en dehors de la France.

Les personnes qui l’apprennent aujourd’hui seraient déroutées par une orthographe dénaturée, et bien des gens abandonneraient la culture d’une langue devenue ainsi différente de celle de ses auteurs d’autrefois, qui font autorité dans les traditions de la civilisation.

Ce serait là, certainement, un argument employé contre nous par les représentans des autres nations, qui ont déjà cessé d’employer le français comme langue diplomatique ; c’est-à-dire de se conformer à un usage resté, malgré tout, encore fort général. Nous compromettrions, avec une étrange inconscience, une situation séculaire.

Répétons encore une fois que toutes ces objections s’aggravent lorsque nous lisons, dans les rapports et résumés relatifs à la réforme de l’orthographe , cette déclaration qu’à la suite de la décision supposée prise par le Conseil supérieur de l’Instruction publique, la nouvelle orthographe imposée aux écoles serait regardée comme une introduction à des réformes ultérieures, dont personne ne peut aujourd’hui ni fixer les caractères, ni limiter l’étendue. Il ne s’agit donc pas ici d’une simple période de transition. Une langue ainsi exposée à varier continuellement, non plus dans le cours des siècles, mais en quelques années, ne saurait désormais servir ni à l’éducation libérale des étrangers, ni aux conventions et traités internationaux.



Nous arrivons à la conclusion de cet article : que doit-on faire ?

La langue française est parvenue à un certain état présent, par une suite de transformations. Cet état, comme tout état présent d’une œuvre humaine, a été adapté aux usages de la nation, c’est-à-dire qu’il comporte des avantages, réalisés par le cours des siècles, et dont personne ne parle. Non seulement, son exercice présent satisfait plusieurs millions d’hommes, habitant la France ; mais il répond à l’existence d’une littérature séculaire, reconnue par tous les peuples civilisés comme répondant à une haute culture ; tous les gens instruits s’efforcent de connaître et de comprendre les œuvres littéraires et scientifiques de nos écrivains.