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il établit d’abord qu’elle n’est pas substantiellement contraire à l’hypothèse darwinienne ; il s’attache ensuite à démontrer que cette hypothèse ne contrarie pas les récits bibliques ; enfin il célèbre l’harmonie qui lui apparaît, au contraire, entre la conception évolutionniste du monde et la conception chrétienne. Il faut reconnaître que ces démonstrations, comme toute démonstration en ces matières, n’ont pas la rigueur d’une déduction mathématique : il semble cependant que le but poursuivi par l’auteur soit atteint et qu’après la lecture de ces pages nul esprit ne puisse être sérieusement troublé par l’idée d’un antagonisme irréductible entre un dogme religieux et l’une des hypothèses les plus séduisantes de la science. Fogazzaro, vraisemblablement, n’en cherchait pas plus. Pour lui-même, il lui suffit que l’hypothèse soit possible, et que son âme de poète puisse s’y épanouir largement ! Comme artiste en effet, il se réjouit de voir le monde dominé par cette loi progressive, et l’idée de Dieu lui paraît en être merveilleusement agrandie, comme si nous nous trouvions subitement admis à la confidence des procédés sublimes de la création.

Ce ne sont pas seulement les besoins généraux de son âme que l’évolutionnisme assouvit : il y trouve encore l’explication satisfaisante de phénomènes difficilement pénétrables. La nature de l’amour, avant tout, lui en paraît singulièrement éclaircie : l’amour, mystérieux mélange d’un instinct physique et d’une ardeur spirituelle !

D’après Fogazzaro, l’amour tel que le connaît actuellement l’espèce humaine est un des plus clairs produits de l’évolution. Il procède de l’instinct sexuel, mais il n’est pas l’instinct sexuel. Celui-ci n’apparaît même dans la nature que longtemps après la vie organique ; il est, au début, purement polygamique, et puis il se raffine par la production de tendances monogamiques ; enfin, l’amour purement monogamique s’élabore en un désir d’union complète et éternelle. Par cet élément d’éternité l’amour introduit l’homme dans le voisinage immédiat de Dieu : et c’est pourquoi l’amour est un sentiment supérieur à tous les sentimens. Cependant, cette tendance nouvelle, même chez l’homme, n’est pas affranchie des élémens antérieurs et de la nature instinctive. De là les luttes qui déchirent les meilleurs d’entre les hommes : au fond d’eux gronde encore la bête ancestrale en proie à toutes les fureurs de l’instinct qui ne distingue pas, et