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l’intelligence purifiante en est parfois obscurcie et lassée. Mais aussi, nous sentons en nous comme le tressaillement d’une vie future où l’amour s’épanouira en une union vraiment éternelle, définitivement dégagé, cette fois, des servitudes de l’animalité.

L’évolutionnisme donne encore à Fogazzaro le sens d’un autre mystère, l’existence de la douleur sous le gouvernement du bien. Il le lui donne d’une façon inattendue et où, assurément, il faut reconnaître la pensée catholique plus que l’inspiration scientifique. Le résultat dernier de son système est, en effet, que la création entière a pour fin unique et suprême la glorification du Créateur ! Ce progrès qui est donné à la nature comme sa loi interne de développement, c’est une constante, mais inconsciente glorification. Le moyen pour l’homme d’agir dans le sens des lois naturelles, de coopérer à l’action créatrice, et par conséquent son devoir essentiel, c’est de glorifier le Seigneur ! Notre vie n’ayant d’autre raison d’être ne saurait avoir d’autre fin, et la glorification de Dieu par nos actes, par nos paroles, par notre existence tout entière, est une règle morale qui s’impose au-dessus de toute autre. Par là, l’homme que la douleur a abattu peut se sentir aussi fort, aussi utile, aussi puissant qu’un autre : qu’il sache seulement se résigner avec virilité à la Volonté suprême, et qu’en acceptant sa douleur avec cette résignation qui n’est que de l’espérance, il sache chanter le Cantique de l’amour et de l’abandon.

Il ressort enfin de toutes ces manifestations diverses de la pensée de Fogazzaro que l’évolution trace à chaque homme sa voie dans le devoir et qu’elle est la source et l’explication du progrès individuel comme du progrès des mondes et de celui des espèces.

Parallèle à la marche de la créature vers le Créateur, à la marche de l’âme vers Dieu, est aussi la marche de l’intelligence vers ridée. La théorie de la connaissance que soutient Fogazzaro est une succession d’ascensions de l’esprit vers Dieu et d’attirance de l’esprit par Dieu. Il en a d’ailleurs emprunté les grandes lignes à Rosmini, pour lequel il affiche une grande prédilection, et auquel il a consacré plusieurs écrits importans. A la base de la connaissance est l’idée d’être : notre intelligence y arrive par voie d’intuition, en la dégageant, comme essence du raisonnement, de la multiplicité et de la diversité des êtres réels : ainsi les jugemens et les raisonnemens de la pure raison