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propice au milieu des doutes, des périls de cette grande entreprise par laquelle nous voulons en finir une fois avec la tyrannie, et avec tant de scélératesse ! » Ensuite : « Dans la nuit qui précéda le jour de Saint-Étienne, nous nous réunîmes de nouveau, comme si nous n’avions plus dû, après cela, nous trouver ensemble. Dans cette dernière réunion, nous échangeons encore les sermens déjà faits : nous fixons l’heure où nous entrerons dans l’église, nous distribuons les rôles à chacun de nous, nous imaginons tous les cas possibles et y pourvoyons. A l’aube, nous entrons dans l’église et nous supplions le saint premier martyr Etienne de favoriser une entreprise aussi grande, aussi sainte, et de ne pas s’indigner de voir son temple souillé par l’effusion du sang, puisque par ce sang la cité et la patrie entière retournaient à la liberté. Cette oraison avait été composée à l’avance par Carlo Visconti, et nous la récitâmes avec les autres prières qui se trouvent dans les rituels pour l’invocation du premier martyr. Les prières finies, nous ouïmes la messe, et, celle-ci terminée, j’appelai l’archiprêtre Barenzo, et je lui demandai les clefs de ses chambres ; quand je les eus, je m’en retournai un moment chez moi, pour revenir me cacher plus tard dans l’habitation de l’archiprêtre et y attendre mes compagnons. »

Le duc, d’autre part, avait eu de mauvais présages ; aussi, le jour ayant paru, il revêtit, comme il le faisait souvent, une cuirasse que tout à coup il retira, comme si elle le gênait dans sa toilette ou sa personne : il voulut entendre la messe au château, et il se trouva que le chapelain était déjà parti à Saint-Etienne, avec tous ses ornemens ; le duc voulut qu’à la place de ce chapelain, l’évêque de Côme célébrât la messe, mais l’évêque allégua certains empêchemens raisonnables ; si bien que, presque forcé, le duc décida d’aller au temple, mais d’abord il fit venir Giangaleazzo et Ermes, ses fils ; il les embrassa et baisa bien des fois, et il semblait qu’il ne pût s’en détacher ; cependant à la fin, sa résolution prise, il sortit du château, et, s’étant placé à cheval entre l’ambassadeur de Ferrare et celui de Mantoue, il se rendit à Saint-Etienne.

De la chambre de l’archiprêtre, tous trois assis auprès du feu dans une tranquillité romaine, Lampugnani, Visconti et Olgiato entendirent s’approcher le cortège : « Alors, vite, écrit Girolamo, nous descendîmes dans l’église. » Giovannandrea et Girolamo se mirent à droite de la porte, et Carlo à gauche. Ceux qui précédaient