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le duc entraient déjà dans le temple, et puis, lui-même entra entouré d’une grande multitude, comme il convenait en cette solennité à une pompe ducale. Les premiers qui bougèrent furent Lampugnani et Girolamo. Simulant de faire faire place au prince, ils s’approchèrent de lui et, tirant les armes courtes et aiguës qu’ils avaient cachées dans leurs manches, ils l’assaillirent. Lampugnani lui porta deux blessures : l’une au ventre, l’autre au visage ; Girolamo le frappa encore au visage et à la poitrine. Carlo Visconti, parce qu’il s’était mis plus près de la porte et que le duc était déjà passé devant lui quand il fut assailli par ses compagnons, ne put le frapper par devant, mais de deux coups il lui traversa l’échine et l’épaule ; et ces six blessures furent si rapides et si subites que le duc fut à terre avant que personne se fût aperçu du fait ; et il ne put rien faire ou dire d’autre, sauf, en tombant, d’appeler une seule fois le nom de Notre-Dame à son aide. Olgiato triomphe : « Nous avons fait du duc ce que nous avions préparé ; et maintenant, vive Dieu ! en récompense de toutes ses cruautés, de toutes ses débauches, il est là étendu mort, exemple formidable que même pour les tyrans il y a pourtant une justice ! »

Cependant, le duc tombé, une grande rumeur s’éleva, beaucoup d’épées sortirent du fourreau, et, comme il arrive dans les cas imprévus, les uns s’enfuyaient du temple, et les autres couraient vers le bruit, sans avoir aucune certitude ou raison de la chose. Néanmoins, ceux qui étaient le plus près du duc, qui l’avaient vu tuer et avaient reconnu les meurtriers, les poursuivirent ; un des conjurés, Giovannandrea, en voulant sortir de l’église, se jeta parmi les femmes, et comme elles étaient nombreuses et, suivant leur coutume, assises à terre, il s’empêtra et fut retenu dans leurs vêtemens, ce qui fit qu’un More, estafier du duc, le rejoignit et le tua.

Carlo fut tué aussi. Quant à Girolamo, il a conté lui-même sa fuite éperdue : « Je réussis à m’échapper, et me réfugiai à la maison de mon père. Et alors ce père cruel, dénaturé, après qu’il eut entendu de moi que le prince avait été tué, et que j’étais non seulement le compagnon, mais l’ami des meurtriers, oubliant tout sentiment de naturelle charité paternelle, me vitupère et me chasse avec toute espèce de honte, me menaçant même de m’occire si j’eusse osé m’arrêter dans sa maison. Atterré, j’entre dans la maison voisine de Domenico Calcaterra,