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Ce n’est pas un simple hasard qui fait vivre ici, dans ce couvent d’Assise, celui qui écrivit les plus beaux poèmes chrétiens de notre langue, l’auteur de cette admirable Attente mystique, dont les tercets me reviennent aux lèvres, tandis que je monte lentement vers la colline sainte, entre les oliviers poussiéreux.

L’un des faits les plus extraordinaires de l’histoire de l’art est cette prodigieuse floraison de peintres qui, aux alentours de la Renaissance, revêtirent de chefs-d’œuvre les murs des églises d’Italie et plus particulièrement de Toscane et d’Ombrie. De toutes petites chapelles perdues dans la montagne renferment des fresques souvent remarquables, presque toujours dignes d’intérêt. Chaque jour, sous le badigeon, en apparaissent de nouvelles. Beaucoup sans doute dorment encore sous leur blanc linceul. Dans leur hâte de faire disparaître ces vénérables reliques, les gens des XVIIe et XVIIIe siècles ne prirent point le temps de les détruire et se contentèrent de les recouvrir d’une couche de plâtre, devenant ainsi les conservateurs inconsciens des chefs-d’œuvre dont leur mauvais goût s’offusquait. Que n’ai-je le temps d’aller visiter quelques-unes de ces humbles églises, celle de la Rocchicciola, par exemple, où l’on ne peut accéder que par un sentier abrupt et où, il y a quelques années, M. Broussolle eut la joie de rendre la vie à toute une série de belles peintures ! Mais le temps presse : il me faut quitter l’Ombrie. Je n’ai plus que deux journées à lui consacrer et je les ai jalousement réservées à Montefalco.

La traversée de la plaine de Foligno, l’ascension du pic sur lequel est perchée la petite ville comme un faucon sur son aire, la montée dans les oliviers, les horizons sans cesse agrandis à mesure que l’on, s’élève, les trésors d’art qui vous attendent dans la vieille église de San Francesco : voilà certainement l’une des séries d’impressions les plus exquises et les plus fortes que réserve cette prodigue Ombrie. C’est que là, vraiment, la civilisation moderne n’a rien changé. Montefalco est restée telle qu’elle était aux siècles passés et les touristes y sont rares encore. Pendant deux jours, j’ai été le seul étranger à errer dans les rues désertes ; nul autre pas sacrilège n’a résonné sur leurs cailloux pointus.

La plaine de Foligno est l’une des plus fertiles de l’Italie.