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beaucoup de sang-froid et d’activité ; mais que serait-il arrivé si la guerre avait éclaté avant qu’ils l’eussent terminée ? De ces alertes si vives ressort une leçon dont il faut toujours se souvenir. Lorsque M. le ministre de la Guerre ou le rapporteur de son budget viennent nous dire que les choses ne sont plus ce qu’elles étaient alors, et que M. Humbert a le tort de mettre au présent ce qui est déjà au passé, nous voulons les croire malgré le parti pris qui apparaît dans leurs discours. Nous avons noté la préoccupation du général Picquart de ne rien dire que l’étranger ne pût entendre. Quant au rapporteur du budget de la Guerre, M. Messimy, ce n’est pas l’étranger qu’il craint de renseigner sur notre situation militaire, mais l’opposition. Des orateurs qui avouent de pareilles préoccupations nous sont invinciblement suspects ; mais ils plaisent à la Chambre, ils ont une majorité ; c’est le but qu’ils poursuivent, et ils l’atteignent.

Les critiques du général Langlois sont autrement graves que celles de M. Humbert. Nous ne les reproduirons pas, puisque nos lecteurs les connaissent : il suffira d’en rappeler le caractère. M. Humbert a indiqué des défauts, des lacunes, des insuffisances dans notre armement, toutes choses qu’il est possible de corriger assez vite. Mais le général Langlois a jeté un regard beaucoup plus pénétrant sur notre situation militaire, où il a constaté un désordre plus difficile à guérir, parce qu’il provient d’une loi probablement mal faite et certainement mal appliquée, et aussi d’habitudes qui ont fait entrer la politique dans l’armée, avec son cortège d’intrigues, d’influences et de faveurs délétères. La loi de 1905 n’a pas tenu ce qu’on s’en était promis : elle a amené un affaiblissement notable dans notre effectif, les réengagemens ayant été beaucoup moins nombreux qu’on ne l’avait espéré, et nous nous trouvons, par ce fait, dans un état d’infériorité qui ne semble pas devoir s’atténuer. M. le général Picquart se réjouit, avec raison, de ne pas manquer de sous-officiers ; peut-être a-t-il moins raison lorsqu’il affirme que ces sous-officiers sont très supérieurs à ceux de l’Allemagne, qui sont tous des rengagés ; mais, à défaut de la qualité, la quantité y est, nous dit-il, et à notre tour nous en sommes très heureux. Mais en est-il de même des soldats ? De ce côté, l’insuffisance est notoire, nous n’avons pas la quantité prévue : avons-nous du moins la qualité ? Le général Langlois a rendu pleine justice aux qualités du soldat français ; il a plus de souplesse que le soldat allemand, plus d’initiative et, pour tout dire, d’intelligence ; il est plus dégourdi et sait mieux se tirer d’affaire ; il est moins mécanique et montre plus de spontanéité naturelle ; mais son