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éducation militaire est bien courte, et ce défaut n’est pas compensé par la présence au corps du nombre de rengagés qui devaient y former un fond solide et résistant. Ce n’est pas là un mal accidentel, c’est un mal permanent. On s’est plaint du renvoi anticipé des classes de 1903 et de 1904, et, certes, on a bien fait de s’en plaindre ; nous nous en consolerions toutefois si l’inconvénient qui s’est produit cette année ne devait pas se renouveler tous les ans. Il y aura un moment, tous les ans, où nous aurons sous les drapeaux une classe qui n’aura fait qu’une année de service et une autre qui n’aura pas encore fait de service du tout. On nous dit qu’il en est de même en Allemagne : en Allemagne, on peut mieux choisir les hommes puisqu’on en a trop tandis que, n’en ayant pas assez, nous sommes obligés de tout prendre, et enfin on y trouve des rengagés tant qu’on en veut, tandis que nous n’en avons presque pas. L’instruction militaire de la seconde classe se fait peu à peu, et, au bout de six mois, nous avons une armée plus consistante ; mais six mois plus tard le même phénomène inquiétant se renouvelle. Dans l’article du général Langlois, une phrase de trois lignes nous a particulièrement ému et est restée dans notre esprit comme une obsession ; c’est celle-ci : « La loi du 21 mars 1905 nous met tous les ans, depuis le mois d’octobre jusqu’au mois de mars, dans une situation telle que tout danger disparaît pour les Allemands, en raison de l’extrême pauvreté de nos effectifs. » Pauvreté matérielle et pauvreté morale. Qu’a répondu à cela M. le ministre de la Guerre ? Pas un mot.

Il n’a pas répondu davantage à la partie de son étude où le général Langlois a comparé l’état des forces militaires d’un côté et de l’autre de la frontière, et a constaté notre infériorité en quantité, en mobilité et en rapidité. Dans une discussion qui a eu lieu au Sénat avant les vacances et où le général Langlois avait déjà présenté quelques-unes des observations qu’il a développées depuis et encore précisées dans son article, tout le monde avait été frappé de ce qu’avait eu de faible, de vague et d’évasif la réponse de M. le ministre de la Guerre : on n’a pas pu avoir la même impression à la Chambre, le ministre n’ayant, pour ainsi dire, rien répondu du tout. Mais la Chambre était décidée à se contenter de ce néant. Le général Langlois avait écrit avec tristesse : « L’armée se désorganise. » Il fallait avoir le courage de dire cette vérité au pays : malheur à lui s’il ne l’entend pas ! Cette fois, M. le ministre de la Guerre a compris la nécessité de répondre. « L’armée ne se désorganise pas, a-t-il dit, elle évolue » Il est à craindre que le mot ne devienne historique. L’armée