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d’associations cultuelles ? Que n’ont-ils pas profité de toutes les facilités qu’il leur donnait ? Sans doute. On connaît notre opinion à ce sujet : elle ne s’est pas modifiée, loin de là ! Mais, quoi qu’on puisse penser de l’attitude prise par le Pape et par les fidèles, est-il permis d’en abuser comme on ne craint pas de le faire, et de dépouiller d’un droit ancien et certain, non seulement l’Eglise, mais les héritiers de ses donateurs ? C’est pourtant là ce que le gouvernement propose.

Il a été plus loin : M. le garde des Sceaux a écrit une circulaire pour inviter les tribunaux à surseoir aux jugemens de tous les procès pendans devant eux, jusqu’au vote qu’il escomptait de la loi pendante devant la Chambre. Ce n’est pas la première fois qu’on a vu se manifester cette étrange prétention de frapper en quelque sorte de sommeil les lois existantes dès qu’un projet a été déposé pour les modifier : jamais, toutefois, le fait ne s’était produit dans des conditions aussi scandaleuses. Il a fallu M. Guyot-Dessaigne, garde des Sceaux vraiment introuvable, pour écrire une circulaire à laquelle son nom mérite d’ailleurs si bien de rester attaché. Beaucoup de tribunaux, nous leur rendons cette justice, n’en ont tenu aucun compte ; mais tous n’ont pas eu la même indépendance. Ce n’est pas seulement l’armée qui se désorganise ; la démoralisation est générale, et du haut en bas de l’organisme administratif et politique on relève les mêmes symptômes d’une « évolution » où malheureusement tout s’abaisse, à commencer par les caractères.


Parmi les interpellations déjà déposées, il en est une ou même plusieurs qui se rapportent aux affaires du Maroc. Des bruits de journaux avaient d’abord fait croire que ce seraient les premières discutées. Le gouvernement devait le demander lui-même ; mais il n’en a rien été, et, sous prétexte d’attendre un Livre jaune qui sera distribué prochainement, les interpellations marocaines ont été renvoyées au 8 novembre. Nous serions pourtant bien aises de connaître le plus tôt possible la politique marocaine du gouvernement, s’il en a une ; et, s’il n’en a pas encore, il serait urgent, en vérité, qu’il comblât le plus tôt possible une lacune aussi regrettable. Pour le moment, et à en juger par les seules apparences, tout est confusion dans notre attitude au Maroc.

Ce qui vient de se passer au sujet du lieutenant-colonel du Frétay est fâcheux en soi, mais singulièrement révélateur comme symptôme. Un négociant français, M. Kuntzer, ayant disparu à Casablanca, on a cru, et malheureusement on ne se trompait pas, qu’il avait dû être