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pied, je tombai dans un trou, et mes hautes bottes se remplirent d’eau. On ne put me déchausser que dix heures plus tard. Dans cette région-là, le sol ruisselait des averses précédentes, les étangs débordaient. Au reste, la rivière de Genji, elle-même, charriait alors des débris végétaux dans un limon jaunâtre. Aujourd’hui, c’est à peine si je l’ai pu retrouver, et je crois qu’elle a changé de lit, suivant sa coutume séculaire, car, sur le plan anglais contemporain de Louis XV, je ne la vois pas indiquée. D’ailleurs, il y a juste dix ans, à la suite de cette inondation fameuse qui remania l’hydrographie du Carnate et même du Coromandel, ce cours d’eau fantaisiste divagua par la plaine, faillit emporter le magnifique pont de pierre construit par l’administration anglaise, et il modifia encore son régime, après avoir endommagé les débris de la pagode où j’avais campé en 1880. Je l’ai retrouvé réduite à son gopura et à ses débris de mandapams, et il y en a d’autres encore debout de l’autre côté de la rivière, près de cette colline en demi-lune qui n’a jamais été fortifiée.

La première enceinte de Genji, ainsi présentée dans son ensemble, nous renseigne sur la physionomie probable de celle de Vellore qui avait été certainement établie sur les mêmes principes. Ce fut la sagesse des ingénieurs de Vijianagar de s’appuyer toujours sur les accidens de terrain pour y trouver le squelette même de l’œuvre. Et c’est pourquoi j’ai tenu à visiter d’abord Vellore dont la citadelle centrale est parfaitement conservée sans la grande circonvallation extérieure, tandis qu’à Genji les citadelles ruinées sont encloses par une muraille intacte, au moins dans son tracé. Mais cette muraille a profité de tels remaniemens qu’au premier abord elle semble avoir perdu tous ses caractères originels. Les occupans successifs n’ont pas cessé de la fortifier, de l’épaissir, de la garnir de tours massives, soigneusement espacées, terrassées, capables de résister à l’artillerie, assez solides aussi pour supporter le poids des grosses pièces dont une reste en place sur la haute montagne comme témoin de l’époque où les défenseurs de Genji possédaient des canons par centaines. L’on m’a dit jadis, l’on me répète aujourd’hui que toutes ces pièces furent achetées et déménagées il y a quarante ans, au moins, par des Américains.

Cette légende est absolument fausse. Tous les visiteurs, tous les auteurs qui ont écrit sur Genji, citent, parmi les curiosités