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l’accroissement de la mendicité et du vagabondage au lendemain des grèves ouvrières ; à Rennes et à Poitiers, le bas prix du cidre et du vin entraînant un accroissement considérable de l’alcoolisme et de ses suites ; à Nîmes, la criminalité des anciens détenus de la maison centrale qui, avec le régime de l’emprisonnement en commun, se sont perfectionnés dans l’art d’inventer des délits, de les enseigner et de les multiplier.

Mais ces faits, à leur tour, doivent se rattacher à d’autres qui, provisoirement au moins, peuvent nous apparaître comme des causes. Nulle part je ne vois qu’on invoque la misère[1] ; en revanche, on met toujours en avant l’insuffisance des gendarmes et l’excès des cabarets. Il est aussi utile de faire ici attention à ce qu’on ne dit pas qu’à ce qu’on dit.

Constatons-le tout d’abord. On ne donne guère d’aliment à la propagande socialiste qui croit le crime dû à l’insuffisance forcée de satisfactions naturelles. Nul ne peut soutenir que les crimes contre la propriété soient dus à l’impossibilité de boire et de manger pour celui qui n’est pas propriétaire, et que les crimes contre les mœurs soient dus à l’accaparement des femmes par les bourgeois qui les soustraient aux charmes de l’union libre. L’union libre et la polygamie ou successive ou simultanée ne sont pas rares, et elles font jeter autant, sinon plus de vitriol à la tête des hommes, elles font surtout étrangler ou assommer plus de femmes que le mariage légitime ne l’a jamais fait. Non, l’accroissement indéfini de la liberté ne calme pas les passions, il ne guérit pas les vices, il les exaspère beaucoup plutôt. On avait dit que la faculté de divorcer ferait cesser les vengeances conjugales ; car à quoi bon se tuer réciproquement, quand on est libre de se quitter ? Or, le fait exact est que les actions en divorce provoquent encore plus d’actes de violence qu’ils n’en préviennent.

Est-il nécessaire d’insister davantage sur ce que le crime actuel doit ou ne doit pas à la situation du monde économique et aux anomalies qu’on y relève ? Le problème ici s’est déplacé. On a trop mis en lumière, par des exemples multipliés, que les départemens les plus pauvres sont, à tous points de vue, les plus honnêtes, que les voleurs ne volent presque jamais que pour la satisfaction d’une fantaisie ou d’une coquetterie, que les ouvriers

  1. On a même pu voir qu’on attribue souvent un affaiblissement de criminalité à une mauvaise récolte, un accroissement à une bonne.