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environs s’est détendue et peut-être même définitivement pacifiée, aucune puissance étrangère ne peut douter de la loyauté avec laquelle nous tiendrons tous nos engagemens : le moment d’agir est donc venu, mais nous avons bien fait de l’attendre, et il ne nous reste plus qu’à en profiter avec énergie. Si nous nous étions bornés à occuper, il y a quatre mois, le poste de Cherraâ, nous serions peut-être restés longtemps à l’état de conflit diffus avec les Beni-Snassen. L’agression est venue de leur part ; ils ne nous ont pas donné la peine d’aller à eux, puisqu’ils sont venus à nous ; nous pouvons maintenant vider l’abcès d’un seul coup.

Quelle est donc la critique qu’à notre sens le gouvernement a mérité ? C’est d’avoir divisé le commandement sur la frontière, disposition qui semble témoigner de quelque défiance à l’égard de l’autorité militaire. Mais, quel qu’en soit le motif, le principe en est toujours mauvais, et les conséquences en sont généralement encore pires. Il faut avoir des agens, soit civils, soit militaires, dans lesquels on ait confiance, remettre entre leurs mains la totalité des pouvoirs et des moyens d’action nécessaires au but qu’on se propose, et leur laisser une grande liberté de mouvemens pour l’atteindre. Ce n’est pas ce qu’on a fait sur la frontière algérienne. Les troupes d’Oudjda échappaient au commandement direct du général Lyautey ; elles avaient été mises à la disposition d’un commissaire civil relevant du ministère des Affaires étrangères. Les hommes sont ici hors de cause ; nous sommes convaincus qu’il n’y a rien que de favorable à penser et à dire sur leur compte et qu’ils ont tous fait pour le mieux ; mais l’organisation était vicieuse ; les pièces de notre mécanisme n’agissaient pas avec ensemble conformément à une pensée unique, et il en est résulté que nous avons eu l’air de nous laisser surprendre. Quand la nouvelle des premiers incidens de frontière est arrivée à Paris, l’émotion a été au premier moment assez vive. Une question a été posée à M. le ministre des Affaires étrangères par M. Ribot, très justement préoccupé de la pensée que le commandement avait été divisé entre plusieurs mains, qu’il l’était peut-être encore, et que les limites dans lesquelles l’autorité militaire pouvait se mouvoir étaient peut-être trop étroitement limitées par les ordres venus de Paris. Sur tous ces points, M. le ministre des Affaires étrangères a donné à la Chambre des explications satisfaisantes, sinon pour le passé, au moins pour le présent et pour l’avenir. Toutes les forces militaires ont été placées sous les ordres du général Lyautey, avec une latitude assez grande pour qu’il puisse en disposer efficacement. Il ne