Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le jour où ils en croiraient le moment venu, les Autrichiens cherchassent à réaliser une jonction qui était la suite logique de leur politique. Le baron d’Æhrenthal est entré en négociations avec le gouvernement ottoman et il a jugé l’affaire assez avancée pour exprimer publiquement l’espérance de la conduire prochainement à bon terme.

Déjà une commission d’études est nommée. Le chemin de fer traversera une région assez accidentée sans rencontrer cependant de grandes difficultés techniques. Il n’y trouvera pas les élémens d’un grand trafic : le pays est pauvre, peu peuplé, peu sûr. La ligne sera à voie étroite (75 centimètres) ; elle se reliera d’une part au réseau bosniaque qui est également à voie étroite et, d’autre part, à lia ligne Mitrovitza-Salonique qui est à voie normale, en sorte que les marchandises qui descendraient de Vienne, de Budapest ou d’Agram vers la mer Egée devraient subir deux transbordemens, l’un à Brod et l’autre à Mitrovitza. Il est à remarquer d’ailleurs que, de Vienne et, à plus forte raison, de Budapest, la voie kilométriquement la plus courte pour atteindre Salonique restera la ligne actuelle par Belgrade, Nisch et Uskub (180 kilomètres environ de moins). On peut donc prédire que, d’ici longtemps, un grand courant commercial ne s’établira pas, par la Bosnie, entre l’Autriche et le port de Salonique. Les marchandises venues de l’Ouest, auront toujours intérêt à s’embarquer à Venise ou à Trieste. Quant aux marchandises allemandes, qui ont tant de facilités pour gagner Hambourg, Rotterdam ou Anvers, elles ne traverseront pas toute l’Europe centrale pour venir chercher un bateau à Salonique. Il est donc improbable que la future ligne, surtout tant qu’elle restera à voie étroite, devienne une grande voie de trafic international.

Le baron d’Æhrenthal, s’est appliqué à démontrer que la politique de l’Autriche-Hongrie n’est qu’une politique économique. Son affirmation est justifiée, puisque l’ouverture de nouvelles voies de communication est d’abord une entreprise d’ordre économique ; Il n’en est pas moins vrai que la ligne qui va joindre la Bosnie avec Mitrovitza a un autre sens et une autre portée. On a très, heureusement appelé « politique des chemins de fer » une méthode qui, par la suprématie économique, conduit à l’hégémonie politique ; les chemins de fer sont l’outil par excellence de l’impérialisme. Le Sérajévo-Mitrovitza est